Les premiers lecteurs du Scum Manifesto (Manifeste de l’Association pour Tailler les Hommes en Pièces) n’ont d’abord du voir dans ce pamphlet ultra féministe qu’une farce délirante teintée d’humour noir. Le sexe masculin y est définit comme un accident génétique, une tare. L’homme, « emprisonné dans cette zone crépusculaire qui s’étend des singes aux humains » véritables, c’est-à-dire aux femmes, a su imposer par la ruse et la force son règne de bêtise et d’injustice. Mais, heureusement pour Valérie Solanas, le progrès scientifique permettra bientôt aux femmes d’assurer elles-mêmes leur reproduction sans l’aide des mâles, et si tout se passe comme elle le souhaite, les rendra immortelles. Les hommes, n’ayant plus aucune utilité, pourront donc disparaître. La farceuse a dû amuser et aussi déranger avec son Manifeste à la fois comique et polémique, ses jugements à l’emporte pièce, ses imprécations (allant tout de même jusqu’à l’appel au meurtre) et son utopisme naïf.
Mais, un an après la publication du pamphlet assassin, et peut-être en guise de postface, Valérie Solanas tira sur Andy Warhol, faisant planer sur son unique texte l’ombre sinistre de la folie. On ne pouvait rêver plus belle postérité. En outre, la postface que l’on doit au brillant et inquiétant Michel Houellebecq justifierait à elle seule que l’on s’intéresse à ce Scum Manifesto.
Fabrice Deleplanque