Famille(s), je vous hais. D’une haine qui ressemble à l’amour ? Qui sait ? Vos silences qui recouvrent tout, vos lâchetés, vos mensonges, votre indifférence, les armes utilisées par vous, les grandes personnes, pour m’atteindre et me mettre à terre n’auront pas eu l’incidence souhaitée. Des fois, l’impossibilité de dire ces choses est trop forte. Des fois, il y a mutinerie. La « répression » exercée change de camp. Valérie Mréjen a choisi cette voie, des années plus tard. Elle raconte les misères et les humiliations subies, tournant parfois en ridicule les situations vécues. Elle est même franchement moderne dans sa manière d’en parler. Ce n’est pas bête. Longtemps les femmes furent les seules lectrices. Maintenant, elles ont des lecteurs. Voilà un bon moyen pour les attirer en nombre.
Mon Grand-père fixe, en les énumérant, de petits faits de la vie violente de l’auteur durant son enfance et son adolescence. Deux âges passés au crible de ses souvenirs précis sur l’attitude de sa famille, passant sous silence les actes du grand-père incestueux. Avec une telle cible de choix, on s’attend toujours à un peu plus qu’une succession cascadeuse de mots bien agencés, et tout compte fait inoffensifs. Certaines de ces sentences ont été écrites pour évoquer une réalité malheureusement sans grand intérêt. D’autres prêtent à sourire. Quand d’autres (tant d’autres…) se révèlent désarmantes. « De même que « Mimiche et Serge », il y avait « Nanine et Jacques ». Ces deux lignes (dans un ouvrage qui compte 63 pages) semblent de trop.
De ce bref récit à la construction judicieuse, plus proche de l’oralité que de l’écrit, nous retiendrons avant tout une ambiance -le risque étant qu’elle disparaisse au plus vite dans l’esprit du lecteur. L’ironie et la cruauté ne nuisent pas, loin s’en faut, à la narration. Mais si l’ambition de Valérie Mréjen était de nommer ce qui était dissimulé, éventuellement de renouer un lien brisé avec les siens, son but n’est pas totalement atteint, car son livre ne possède pas une puissance d’invocation suffisante. De celle qui donne à un film comme Festen une dimension essentielle : laisser une trace durable dans l’esprit de celui qui accède à ce genre d’œuvres.