Beaucoup de bruit pour rien. Issue du milieu artistique vidéo, Valérie Mréjen est un de ces auteurs qui érige la simplicité en art de vivre. Premiers mouvements : écarter toute dimension radicalement fictionnelle et simplifier la langue pour n’en faire qu’un monologue prémâché. Car l’auteur est une activiste du micro-événement. Ne pas faire de vague, décrire in extenso tous ces petits bonheurs du quotidien et coller au plus près du réel sont autant de dogmes sous-jacents à son oeuvre. L’Agrume, débité à la première personne, plonge le lecteur dans la surface gentiment répétitive et ennuyeuse d’une narratrice amoureuse d’un homme simple et moyen, Bruno, qui « garde des oranges et des citrons qu’il mettait à moisir ». Fin de l’intrigue. Et début d’une fastidieuse litanie du quotidien doublée d’une agaçante apologie de la simplicité : « Il faisait un cérémonial de tout. Ouvrir les sac en papier des croissants, nettoyer ses verres correcteurs, verser du thé. Il aimait surtout défaire les emballages avec mille précautions. Il attrapait le papier de soie du bout des doigts et effectuait un mouvement du milieu vers les bords. Il aurait pu manipuler du gros carton comme si c’était un coquelicot pour la beauté du geste. »
En bonne monomaniaque du détail, Mréjen déroule sans aspérités un récit amoureux qu’elle aurait rêvé encore plus terne. Mais ce n’est pas en tentant de gommer toute notion d’extraordinaire que l’auteur réussit à étonner. Bien au contraire, sa stase narrative bâtarde sombre dans un ennuyeux refus de la ligne dure, oubliant toute tentative radicale d’épure de la langue. On est bien plus proche ici du consternant Delerm (La Première gorgée de bière, etc.) que de Nicholson Baker (et son sens maladif du détail) ou des grands minimalistes. En plein dans l’entre-deux, L’Agrume n’est ni assez ennuyeux, ni particulièrement brillant. Une énième histoire de vrais gens de la vraie vie mollement perdus dans une histoire banalement romantique, une novella inutile et noyée dans la fausse modestie.