1. Outremonde
Don DeLillo
Jamais facile, de choisir un numéro un. Pourquoi DeLillo ? Parce qu’avec l’énorme Outremonde, et quelles que puissent être les réserves que nous inspire par ailleurs son œuvre en général, il donne le modèle absolu du roman postmoderne total, intriqué dans l’histoire, incroyable de densité. Les uns trouvent ça chiantissime, les autres rétorquent que c’est génial. L’histoire tranchera, mais en attendant, on se permet d’opter pour la solution 2.
2. La Famille royale
William T. Vollmann
On a consacré tellement de pages à William T. Vollmann dans Chronic’artdepuis quelques années qu’il était difficile, par cohérence, de ne pas lui donner dans ce classement la place qui lui revient : celle de l’un des tout premiers (sinon le premier) écrivains américains contemporains, polygraphe, ambitieux, visionnaire, inclassable. Hors-cadre et épatant, La Famille royaleest un peu à San Francisco ce qu’Ulysse fut à Dublin. Vous voulez en savoir plus ? Lisez l’entretien qu’il nous avait accordé à l’époque, chez lui, à Sacramento.
Lire notre chronique.
3. Clémence Picot
Régis Jauffret
Régis Jauffret est-il ce qui est d’arrivé de plus étonnant à la littérature française ces dix dernières années ? Certes, il a commencé sa carrière bien avant 1997, avec Seule au milieu d’elle (1985) ; mais c’est avec l’époustouflant Clémence Picot qu’il a commencé d’avoir la notoriété qu’il mérite et qu’il s’est imposé comme l’un des romanciers les plus originaux de l’époque – le plus noir, le plus absurde, le plus systémique, aussi. Qui a dit le plus fou ?
Lire notre chronique.
4. Babylon babies
Maurice G. Dantec
Erreur de casting ? Depuis quelques années (depuis, en fait, ses prises de position radicales, la vraie-fausse « affaire » du courriel au « Bloc identitaire » et les retournements de vestes opportunistes de ses admirateurs d’hier), dire du bien de Maurice G. Dantec est devenu une sorte de crime contre le politiquement correct. Si l’on n’adhère pas forcément aux partis-pris esthétiques de ses derniers romans, on ne va néanmoins pas se faire prier pour rappeler quelle merveille demeure Babylon babies, probablement ce qui s’est fait de mieux en France en matière de néo-polar futuriste et métaphysique à ce jour. Incontournable.
Lire notre chronique.
5. Ma vie parmi les ombres
Richard Millet
Erreur de casting (2) ? Depuis quelques semaines (depuis, en fait, ses prises de position radicales et pessimistes sur l’avenir de la littérature française et l’alphabétisation des jeunes générations), dire du bien de Richard Millet est devenu une sorte de crime contre le politiquement correct. Raison de plus pour souligner qu’il est aujourd’hui l’un des plus grands écrivains contemporains, ainsi qu’en témoigne son chef-d’œuvre, cette Vie parmi les ombres qui tient son rang parmi les grandes fresques qu’a pu donner la littérature française au long du siècle.
Lire notre chronique.
6. Identification des schémas
William Gibson
Le pape du cyberpunk a indéniablement mis une claque à tous les pseudo observateurs du nouveau monde « connecté » avec Identification des schémas. Tous les troubles, toutes les élucubrations cyber-schizoïdes, toutes les nouvelles sensations fortes de la techno-humanité sont parfaitement décrites dans ce concentré de post-modernité. L’auteur américain expatrié au Canada livre ici le parfait snapshot d’une société à la fois en phase avec ses visions pré-XXIe siècle et foncièrement ancré dans le réel post-11-Septembre. Bel exploit.
7. Les Grands singes
Will Self
Ah, Will Self ! Sans doute le plus drôle et inventif des romanciers britanniques contemporains, créateur d’un monde de la marge dans lequel les fous sont infiniment plus normaux que les gens sains, les drogués infiniment plus lucides que les autres et les habitants de la terre infiniment plus simiesques que ce qu’avait pu imaginer l’auteur de la Planète des singes. Sorte de conte philosophique pop que n’aurait pas renié un Swift, ce petit chef-d’œuvre n’a rien perdu de son pouvoir acide aujourd’hui.
Lire notre chronique.
8. Bartleby & cie
Enrique Vila-Matas
Qu’est-ce qu’un bartleby ? Enrique Vila-Matas a créé un substantif à partir du nom du fameux héros de Melville (Bartleby le scribe) pour qualifier une galerie d’écrivains imaginaires possédés par le démon du renoncement littéraire. Jeu de références et de miroirs parfait pour les amateurs de labyrinthes borgésiens, ce chef-d’oeuvre est aussi une pièce capitale dans la réflexion que, de livre en livre, le débonnaire écrivain catalan mène sur la littérature, la création, la disparition et le sens de la vie. Inépuisable.
Lire notre chronique.
9. Les Particules élémentaires
Michel Houellebecq
On a tout dit sur les Particules élémentaires, à tel point qu’on a un peu de mal, dans les gazettes, à évaluer les autres romans de Houellebecq pour ce qu’ils valent vraiment (pas grand-chose, aujourd’hui)plutôt que comme les queues de comète de ce livre fondateur. Mais il faut être honnête : ce livre, sans doute le plus célèbre de la fin des années 1990, a plus compté que tous les autres dans le champ romanesque contemporain, où il a laissé une trace durable en y générant toute une descendance, moins douée que lui, le plus souvent. Sans doute le seul romancier français contemporain dont le nom a généré un adjectif (une atmosphère « houellebecquienne ») : c’est quand même quelque chose.
Lire notre chronique.
10. Lunar park
Bret Easton Ellis
Evidemment, quand on dit Ellis, c’est tout de suite à American psycho qu’on pense – roman culte de jeunesse qui colle aux basques de son auteur sans qu’il puisse se détacher de l’image qu’il lui a donné. C’est précisément ce sujet qu’il traite dans Lunar park, avec une habileté telle que Lunar Park devient du coup, en dépit de son importance « culturelle » moindre, un bien meilleur roman qu’American psycho… Variation hyper-habile sur le vrai et le faux et roman remarquable sur le conflit père-fils, Lunar park boucle la boucle tout en rendant hommage au roman fantastique. Inutile de résister : toute l’efficacité américaine condensée dans un roman. Parfait.