Il fallait au moins un écrivain de la trempe de Thomas McGuane pour nous réconcilier avec la série des « Chasse et pêche ». Indispensable figure de la grande littérature américaine contemporaine, l’auteur de la Source chaude ne s’y connaît pas qu’un peu en techniques de lancer et manipulation de carabines : de ses résidences successives à Key West et dans le Montana, le romancier a gardé, outre une incroyable manière d’écrire les grands espaces, la passion juvénile de la truite et du gibier. Voilà donc de quoi il retourne dans ces trois cent cinquante pages inoubliables, où l’on passera des hauts-fonds poissonneux aux sommets enneigés en compagnie d’un guide capable de nous faire sentir l’Amérique bucolique presque comme si on y était. Pour mémoire, n’oublions pas que le bonhomme, né en 49 en plein Michigan d’une famille de catholiques irlandais (de là, peut-être, sa galerie de héros grandes gueules et longs gosiers), entrait en littérature avec fracas sans avoir pris le temps de fêter ses vingt ans avec Le Club de chasse : scénariste pour Hollywood (notamment Missouri Breaks d’Arthur Penn, avec Brando et Nicholson, puis Tom Horn, le hors-la-loi de William Ward, avec Steve McQueen), il mène grand train au milieu des stars avant de se replier sur l’authenticité de la vie de cow-boy. McGuane s’installe dans le Montana, achète un ranch dont les terres soutiennent en superficie la comparaison avec un département français, crée l’un des plus beaux élevages de chevaux de tout l’Ouest et remporte un nombre incalculable de grands championnats de rodéos. Etes-vous toujours prêts à le suivre ?
Si oui, vous partagerez ses émotions et humeurs lors de parties de pêches épiques sur les côtes du Pacifique (à traquer le tarpon) ou de barbotages dans les torrents du Montana (avec quelques cinglés de la truite), vous l’accompagnerez dans la foule des grands rodéos, dans les corrals et sur les pistes de motocross. Vous partirez aussi en excursion avec son pote Jim Harrison en plein mois de novembre, apprendrez comment faire dégeler vos chaussettes près du poêle et, point capital, quoi faire avec une corde et un bœuf : « Le maniement du lasso est-il la préoccupation première de l’humanité ? Ma réponse sera sans ambiguïtés : le lasso nous en apprend beaucoup sur les chevaux, le bétail et l’éternité ». Sous la plume incomparable de McGuane se dessinent, au gré de ces nouvelles jocospleenetiques (le néologisme qu’il a lui-même formé pour qualifier son style), les paysages et les couleurs de l’Amérique éternelle, celle du mythe, des meilleurs westerns et de nos rêves. Tout ça avec l’humour à froid d’un bourlingueur au langage inimitable et au regard magique. « Le printemps dans le Montana est une espèce de libération tumultueuse. Il existe certainement des manières plus sophistiquées d’y réagir que la mienne. Mais partir dans la nature avec ma canne à pêche me semblait assez discret et cette cérémonie activait, ravivait mes souvenirs d’une existence entièrement passée à pêcher. Le vert explosait dans les peupliers. J’étais prêt pour les hautes eaux. »