Qui n’a jamais vu Sébastien Lapaque composer son petit déjeuner d’une douzaine d’huîtres et de quelques bouteilles de Muscadet perlant, son déjeuner d’un chapon farci, accompagné de deux ou trois bouteilles de vin fin, et son souper d’une omelette garnie (et le champagne allant avec), le prendra facilement pour un jeune homme hors de son temps. Or, il n’en est rien.
Ses Barricades mystérieuses témoignent d’une âme profondément ancrée dans la réalité. Il n’y avait sans doute pas différentes manières d’écrire un roman d’initiation pour ce jeune homme qui a lu les bons auteurs (les moralistes du XVIIe siècle, Balzac, dont il a retenu la force de l’affrontement entre le vice et la vertu), n’écoute que de la bonne musique (Couperin ayant pris ici un avantage sérieux sur Lully), et qui cache son désespoir sous le masque de la désinvolture.
Les dialogues de son roman, intelligents, sont le ton vrai de la conversation. Sur la question, Giono se serait très bien entendu avec lui. Quant au personnage central, Neubourg, parti à la recherche, avec son ami Marin, de Maranges, pronostiqueur lui ayant laissé une coquette somme en dépôt sans plus d’explications que cela -l’amitié se passe fort bien de grands mots-, il garde ce regard troublé d’enfant égaré se heurtant au mensonge des grandes personnes. Dans cet imbroglio où la mort est à l’œuvre, sa quête se résume à une dérive toujours prolongée. Entre temps, on aura assisté à plusieurs tableaux où passent un flic corrompu, et deux femmes : Mao, la traître, et la Marquise, la putain sacrifiée.
Voilà ce qui est arrivé aux idées et aux mœurs de notre temps, nous confie l’auteur. Quelque chose est mort, et nous ne savons pas quoi au juste. Lorsque la puissance mortifère d’une époque se fait trop pesante, il nous reste à faire revivre l’esprit de celles qui furent admirables. Sa langue, sans être totalement portée vers la nostalgie, y parvient sans mal.
Chronic’art vous offre le premier chapitre de Les Barricades mystérieuses