« Ca vaut ce que ça vaut, mais je ne serais pas surpris d’apprendre qu’Hitler, Staline ou Mao en aient eu une toute petite. Serait-il surprenant d’apprendre que parmi tous les teigneux, les maniaques, les revanchards, les intégristes, les hargneux, les grincheux, les moroses, les acariâtres qui nous entourent se cachent beaucoup de petites bites ? ». De ce genre de considérations, on veut bien croire qu’il est possible de tirer une ou deux blagues de comptoir et cinq minutes de franche rigolade sur RTL ; mais un roman, voilà qui est nettement plus délicat. C’est pourtant le pari qu’a fait Sébastien Combemale avec Zi (dont « il ne vous aura pas échappé », précise aimablement la quatrième de couverture, que c’est « la moitié de zizi« ) : tenir 220 pages avec l’histoire d’un homme mal doté par la nature. Admettons. Dans les trente ou quarante premières, plus ou moins distrayantes, le narrateur raconte sur un ton désabusé sa peu glorieuse initiation aux choses de l’amour, sa maladresse lamentable avec les filles dans les boums et l’insupportable complexe que lui inspire son entrejambe. C’est moins réussi que les aventures de Jean-Claude Tergal, mais pas dénué d’une certaine drôlerie. L’auteur aurait pu s’arrêter là et donner une nouvelle amusante, il a préféré poursuivre et boucler un roman linéaire et mal fichu, autoportrait d’un personnage dont on a déjà croisé un nombre incalculable de déclinaisons dans la jeune « littérature » française post-beigbederienne des dernière années : celui du jeune trentenaire parisien pubard (comme c’est original), célibataire, pince-sans-rire et assoiffé de sexe, plein de condescendance pour la maturité des gens de son âge (les « amis propriétaires ») et de cynisme à l’égard de l’existence en général.
Le narrateur s’appelle donc Paul, vit dans un deux-pièces à Paris et travaille dans une agence de publicité. Combemale nous dit tout de ses goûts (il écoute du jazz, entre autres), de son emploi du temps (il passe ses dimanches à ne rien faire devant la télévision), de ses habitudes (se branler dans les toilettes de son entreprise) et, bien sûr, de ses aventures sentimentales et sexuelles. Car malgré son organe ridicule, Paul a une libido de jeune premier : « J’ai cruellement besoin de cul. Autant que la poutre de son pendu ». Etrangement, le romancier n’exploite guère le handicap génital de son héros et néglige à peu près complètement d’en faire le ressort de comédie auquel on s’attend : Paul baise aussi banalement que tout le monde (voire davantage), sans que ses partenaires ne paraissent indisposées outre mesure par les dimensions de son intimité. A quoi rime alors la longue introduction qu’il nous sert en début de livre ? Pourquoi intituler le roman Zi et insister de la sorte sur un point de scénario qui sera presque totalement oublié ensuite (seules quelques remarques humoristiques et une scène finale en queue de poisson -c’est le cas de le dire- rappellent que les trois premiers mots du livre, extraordinairement vulgaires au demeurant, sont « La grosse bite ») ? Sébastien Combemale n’en a manifestement pas vraiment idée, et s’en fiche d’ailleurs un peu : seule semble le motiver l’idée de rédiger de longues scènes de sexe et de mettre dans la bouche de son personnage des pensées à l’ironie infiniment banale. Peut-être n’a-t-il en fin de compte voulu qu’avoir le « pitch » qui lui permettra de résumer son roman en quinze secondes chrono sur les plateaux de télévision ? Toujours est-il qu’à part une poignée de petites formules bien senties et une très jolie coquille ( » J’ai beau fermé les yeux « , page 82), Zi est un roman vide, bâclé et insignifiant, dépourvu du moindre semblant d’intrigue et situé dans le bas de gamme des romans « à pitch », à grosses ficelles et à petit budget littéraire dont son éditeur semble décidément vouloir se faire une spécialité.