(Editions Solar, 185 F, 1101p.)
Les esprits chagrins (ou chauvins ?) auront beau tourner le problème dans tous les sens, voici la référence, LA bible de tous les amateurs de vin, et des profanes aussi, tant ce guide -on n’ose écrire ce mot à l’endroit de si bel ouvrage- procure une jouissance littéraire (oui, oui !) qui n’a d’égal que la dégustation des meilleurs crus recommandés ici.
Tout laisse pantois : d’abord et avant tout la science œnologique illimitée et partageuse de cet Américain dont on cherche désespérément l’alter ego français -ou alors, il garde jalousement ses connaissances pour lui !? Parker connaît tout, a tout goûté et tout apprécié, et la vallée de la Loire n’a pas plus de secret pour lui que les coteaux les plus fameux du Bordelais… Il faut dire, ensuite, l’hallucinante somme de travail que constitue une telle entreprise : toutes considérations critiques mises à part, nous voilà en présence de la quintessence de ce que l’on sait faire outre-Atlantique en matière scientifique. Rien ne manque, de l’index aux coordonnées détaillées de chaque producteur, en passant par la présentation des régions d’exploitation, un guide des millésimes de 1970 à 1996, etc. Et, last but not least, l’objet est beau et se lit (presque) comme un roman… Messieurs Bettane et consorts, à quand un guide français digne de se frotter à pareille concurrence ?
Reste, évidemment, l’essentiel : la critique de ces milliers de crus répertoriés. Exercice oblige, il y a forcément des dégustations rapides, des coups de cœur très discutables, des partis pris controversés, etc. Sachant que, depuis quelques années déjà, M. Parker fait la pluie et le beau temps dans le monde très fermé du vin (mais à qui la faute ?), la moindre décote ou remontée de tel ou tel millésime peut rapidement embraser le marché -beaucoup plus, en tout cas, qu’une étoile en moins dans un guide de moindre influence… Il n’empêche : on aura beau crier à la « parkérisation » du goût des consommateurs (et des producteurs?), quand Robert Parker ose classer aux mêmes sommets quelque Pommard, Nuits-St-Georges et Bordeaux historique, nous, on abdique toute velléité contestataire, préférant succomber au charme de ces doux élixirs…