Le québécois Robert Lalonde a l’humeur vagabonde. Pourtant, il n’y a rien de blondinien dans sa démarche. Dans ces « notes sur l’art de voir, d’écrire et de lire » (c’est le sous-titre de son essai), il célèbre les grands espaces, cette nature impressionnante qu’il apprécie tant ; il cite également quelques bons auteurs (mais aussi de moins bons), dont des passages de leurs œuvres ponctuent le livre. De même, dans ces pages au climat et au tempo bien tempérés, on s’émerveille de tout : du lièvre sortant de sa cachette, de la perdrix prenant son envol ; on y chasse aussi le rat musqué et on apprend l’art du feu de cheminée… Tout ceci n’est pas sans utilité.
Reste que la littérature n’y est pas forcément bien servie (ou alors si tièdement). Avec Le Monde sur le flanc de la truite, R. Lalonde emprunte des chemins de traverses. Il se trouve en effet à la croisée de la méditation, du journal intime et de la critique littéraire. Le tout est policé à l’extrême. On pensait trouver un tempérament plus fort pour nous conduire dans ces contrées si peu explorées. Notons cependant que les traductions faites par l’auteur lui-même sont de belles propositions. Il s’en inspire par moments (trop rares, malheureusement) pour livrer quelques pages séduisantes : le dialogue avec Flaubert est de la meilleure encre. De même, l’auteur écrit sans cloisonner le temps, les notions de passé et de présent étant mêlées. L’oralité de sa langue (il est issu d’une famille de « sang-mêlé », tribu Mohawk, côté indiens, et blancs) laisse une assez belle impression de musicalité. Mais dans l’ensemble, il lui aurait fallu utiliser de plus vastes corbeilles. Car il est un incorrigible bavard. Il faut dire qu’il est comédien. Ceci explique sans doute cela.