Flins ? Ces temps-ci, le nom évoque les débrayages, les grèves ouvrières, le bras-de-fer des salariés de Renault contre le plan de compétitivité de la direction. Mais quarante ans en arrière, c’est autre chose : Flins est alors une usine grande comme une ville (le plus gros site français avec 20 000 salariés), qui produit chaque jour des centaines de R8 et R16. Un fleuron du capitalisme social à la française, avec ses bons salaires, son comité d’entreprise, sa sociabilité ouvrière et ses possibilités d’ascension sociale… Toute une époque que Richard Gangloff reconstitue dans ce roman joyeux, à mi-chemin entre le récit de potes, le film à sketches et la comédie policière.

 

En racontant les aventures d’une aimable bande d’employés, il explique la vie à l’intérieur de l’entreprise, qui derrière ses apparences tayloristes tient en fait du foutoir : on trouve des bars clandestins dans les ateliers, on détourne allègrement le matériel et les denrées de la cantine, on pratique la « perruque » à grande échelle (utiliser les machines pour son compte) et on court le guilledou du côté de l’atelier de câblage électrique, exclusivement peuplé d’ouvrières et surnommé « parc à moules »…

 

Une ambiance fraternelle et bon-enfant (si l’on met de côté les bastons contre les vigiles) que Gangloff décrit sur le ton gouailleur de rigueur, avec une vague affaire de hold-up (à l’époque, les salariés sont payés en liquide) en guise de fil rouge. En résulte un roman nostalgique et sympathique, qui, sans nier qu’il embellit un peu le tableau, fait ressortir par contraste la froideur de l’entreprise actuelle et le drame de la désindustrialisation. Comme le dit l’un des héros avec son bagout péremptoire : « Flins aujourd’hui, c’est 3 500 personnes, zéro accident du travail et zéro pollution. Bravo, mais ils doivent bien faire chier ».