A l’égal des précédents (Soliloque d’un penseur, Le duel, Ma voisine, la postérité), les volumes de la Bibliotheca Casanoviana parus ce mois-ci (Lana Caprina et ce Fragment sur Casanova) sont un régal. Complément indispensable aux amateurs de l’Histoire de ma vie, ils se révèlent vite, à leur lecture, une merveilleuse introduction aux raffinements et aux contradictions du XVIIIe siècle.
Casanova était de la race des hommes. Le prince de Ligne, qui à en croire Goethe était « l’homme le plus heureux de son temps », dans le succulent portrait qu’il nous offre de son ami (ce qui ne l’empêche nullement d’en parler franchement, c’est-à-dire sans mollesse), le souligne assez. « Pris sur le vif », croqué dans différentes cours d’europe, le Vénitien n’en ressort que plus vivant et grandi. On y voit passer des barons et des barbons, des comédies de salon, on y perd ses illusions (les princes perdent leurs domaines), mais on n’en oublie pas moins d’être frivole, parce que cela est (cette philosophie leur semblait à tous deux plus solide que la plupart des idées avancées à l’époque). A leur manière, ces deux enchanteurs (mais aussi deux farceurs – l’histoire que raconte de Ligne page 22 de l’ouvrage est édifiante) se retrouvaient sur des terrains communs. Leur morale fut d’être et de rendre heureux. Ils ne soupçonnaient pas à quel point cette justice leur sera rendue, par la postérité : l’enthousiasme que procure la lecture de leurs œuvres. Ce plaisir-là n’attend pas.