Ses romans Polichinelle et Michael Jackson ont révélé Pierric Bailly, 33 ans. Michael Jackson, en particulier, sous son titre culotté (surtout qu’il n’y était pas du tout question du chanteur), avait quelque chose de virtuose, Bailly y transformant une comédie générationnelle sur une bande d’étudiants de Montpellier en variation lynchienne sur les torsions de l’espace-temps, les mêmes personnages revenant à plusieurs reprises avec des décalages subtils, le tout s’apparentant à une réflexion ludique sur le temps qui passe et l’imprévisibilité de la vie. On se demandait, du coup, quel dispositif Bailly allait inventer pour son troisième roman. Le résultat, autant le dire, est à la hauteur. (C’est le cas de le dire).
Simon, après des années à Paris où il a tenté de percer comme technicien de cinéma, bazarde tout pour repartir chez lui, en Lorraine, à Stellange où il hérite d’une maison. Sauf qu’au cours du trajet de retour, une sorte, comment dire ? Une sorte de faille spatio-temporelle le propulse mille kilomètres plus sud, dans les Pyrénées, sur un village perché en haut d’un tube en béton. C’est l’Etoile du Hautacam, où se déroulera la suite du livre, soit 250 pages. Rêve éveillé, réalité ? Mystère.
Il faut du culot pour bâtir un livre sur un tel scénario, digne d’un délire de vieux récit de SF. On peine d’ailleurs parfois à garder son sérieux, face à des phrases comme : « Le dôme de verre fumé avait explosé, et le galet de magma était à l’air libre »… Mais justement : L’Etoile du Hautacam se veut précisément un hommage à la joie naïve des histoires, aux films qu’on se projette sur son écran mental, « aventure, westerns, péplums, séries Z ». Jusqu’au bout, le lecteur se demande si les péripéties de Simon dans son village perché sont sa vraie histoire, ou une transposition romancée de sa vie réelle en Lorraine. Est-on dans le jeu, l’invention, la réalité ?
Tenir cette incertitude, voilà le pari de l’auteur. « L’Etoile du Hautacam, dit la couverture, c’est le petit théâtre de Simon, son univers intérieur, le film de sa vie ». Il y a toujours une échappatoire dans l’irréalité, semble suggérer Bailly, comme dans la devise de Pessoa selon qui on vit plus dans la vie qu’on n’a pas que dans celle qu’on a. Moins virtuose, peut-être, que Michael Jackson, longuet par endroits, ce roman bizarroïde et poétique possède le charme des entreprises un peu folles, celui d’une vaste machine à produire de la couleur et des rêves, « des rêves de petit garçon qui veut devenir grand ».