Philippe Muray fait incontestablement partie de ces essayistes qui ne font pas bon ménage avec la tiédeur. Cela n’est pas pour nous déplaire. Ainsi, comme toute œuvre profondément dérangeante, on ne lit pas impunément ces Exorcismes spirituels. Car voilà un ouvrage opérant une critique radicale – nos contemporains ne sont plus habitués à un tel ton -, un renversement des « valeurs » imposées par la « culture » dominante. Ce goût aristocratique de déplaire, il est allé le puiser dans une littérature – il y a combien de temps déjà ? – qui vivait d’affrontements. « La divergence et le désaccord n’avaient pas encore été liquidés », le totalitarisme soft pas encore inventé.
Après un réquisitoire savoureux, et dont il ne faudrait pas sous-estimer la force comique, contre une corporation qui confond autocélébration et commémoration avec création, il nous fait partager son amour du Verbe. Incarnation de ce que la littérature représentait avant « cette sinistre épopée de l’éradication systématique, par la corruption émotionnelle ou par la force, des dernières « dissidences », des derniers accidents, aussi bien humains (…) que naturels », il s’attaque sans faiblir, sur une distance peu commune dans notre pays habitué à l’anorexie, à la destruction des idoles. On ne peut pas cependant tenir son propos pour purement réactif. De fait, sa capacité d’émerveillement est restée intacte. Sa faculté de communiquer son amour des lettres également. Chacune des œuvres étudiées (que ce soient celles de Procope, de Sade ou de Bloy), trop souvent oubliées, voire méconnues, éclairent d’un jour nouveau notre temps. C’est là l’essentiel. On se demande vraiment pourquoi certains écrivains ne sont pas plus célèbres.