Comme souvent avec les publications des éditions Taschen, le livre apparaît d’abord comme un objet. De format moyen, très épais, sous une couverture flexible, glacée, aux tons mauves, photographie d’un intérieur flou, un titre en grands caractères et en trois langues qui fait davantage penser à un manifeste (la référence au titre du film grandiloquent de Coppola est évidente) qu’à un livre d’art, Architecture now ! invite d’abord à une approche tactile et visuelle. Tactile, parce qu’il s’ouvre et se feuillette facilement. Visuelle principalement, parce qu’il se compose de la présentation d’une soixantaine d’architectes -individus ou études- et de leurs projets les plus récents, accompagnés de quelques plans et de très nombreuses photographies de l’édifice, de ses aménagements intérieurs comme de son insertion dans le paysage. Ces photographies occupent souvent des pleines pages, ce qui rend l’ensemble de l’ouvrage tributaire des différentes esthétiques qui y sont présentées, et donc finalement très composite.
Car ce qui ressort de ce panorama de l’architecture contemporaine est l’absence de courants ou d’écoles. Traditionnellement liée aux matériaux présents à l’état naturel dans les lieux où les constructions étaient réalisés, l’architecture offrait autrefois une diversité avant tout géographique qui s’insérait toujours dans un paysage dont elle n’était en quelque sorte qu’à peine extraite. Au XXe siècle, elle devient dépendante du développement rapide des techniques et des moyens financiers des commanditaires, ce qui permet d’édifier des ensembles gigantesques à peu près n’importe où, voire nulle part, comme ce musée Guggenheim entièrement virtuel, avec des matériaux provenant des quatre coins du monde. Les lois de la physique elles-mêmes ne sont presque plus des contraintes, d’où la construction de monuments extraordinaires tels que le musée Guggenheim de Bilbao ou l’Awaji Yumebutai, qui modifient notre vision de l’espace même où ils se trouvent.
Davantage catalogue de l’architecture contemporaine (chaque architecte est présenté par une brève notice, ses coordonnées sont mentionnées), ce livre offre donc au lecteur la possibilité d’un voyage assez stupéfiant dans l’imaginaire souvent délirant des architectes d’aujourd’hui. De l’hyper-géométrique au déconstruit, du fluide presque immatériel au matériaux lourds et sombres, d’une insertion parfaite dans l’environnement à des sortes de météorites, de la subtilité au mauvais goût caractérisé (exemple le millenium dome de Londres), tous les concepts et tous les délires semblent avoir été, quelque part sur cette planète qui n’en avait jamais tant vu, conçus et, ce qui est parfois plus étonnant, réalisés.
On l’aura compris, il ne faut pas chercher dans ce livre une réflexion sur l’architecture contemporaine, esquissée dans les quelques pages trilingues de l’introduction, mais l’on y trouvera certainement, grâce à la qualité des photographies, la matière d’une telle réflexion et, parfois, l’envie d’aller voir de plus près, in situ, quelques-unes des belles réalisations qui y sont exposées.