Selon certaines critiques, on trouverait dans cette Conquête de la Pologne un vrai élan de renouveau, un courant d’air frais, quelque chose de dynamique, drôle et pertinent. Ajouter à ça l’âge de l’auteur, 23 ans, ce qui le place en tête de file des révélations » premiers romans » de la rentrée, et un ton suffisamment tendance pour séduire les bobos parisiens en quête de lectures branchées… Alors ? Après une rupture amoureuse, le héros (célibataire, jeune et aventurier) se retrouve un beau matin coincé devant la porte de sa chambre de bonne, rue de Charonne, dont il a malencontreusement laissé les clefs à l’intérieur. Plutôt que subir le calvaire du serrurier (« l’idée me parut morne »), il décide, vêtu d’un pantalon tout neuf d’aventurier philosophe (« Paris ne me retenait plus »), de partir en Pologne, patrie rêvée des herbes à bisons et des polonaises Wonderbra. Las : le sort s’acharne et la banque exige un délai de trois jours pour changer ses économies en dollars. Que faire de ce temps d’attente, sinon préparer son voyage ? Rien : l’avant-goût d’un départ semble idéal à cultiver dans les rues parisiennes. Point de départ de toute exploration des terres polonaises : la vodka et son must, la Zubrowska à l’herbe de bison.
Notre narrateur boit donc, en quête d’indices et de contacts qui l’aiguilleront lors de son voyage. C’est ainsi qu’il écume les bars en quête de polonais ou de rencontres documentaires vivantes, loin des guides du routard et autres pièges à touristes. Un pays, n’est-ce pas, se découvre de l’intérieur. Et puis « l’idée de la Pologne est plus vraie que la Pologne elle-même. L’idée de la Pologne a davantage de valeur, du point de vue de l’être, que la Pologne sensible ». C’est ainsi qu’on part se promener dans Paris, errance entre différents lieux de sortie des étudiants parisiens : le Jardin du Luxembourg, la place de la Sorbonne, la librairie Vrin, Bastille, la rue de la Roquette et ses bars, le cimetière du Père-Lachaise… Ajoutez à cela le fantasme de la loutre (« la loutre m’obsède »), des apparitions en tous genre (Bruckner, BHL, Baudrillard, Michel Onfray) et quelques fantômes erratiques (Anaïs la « polonaise » au poisson rouge, Antoine), et vous aurez de quoi voir du pays. Dans l’ensemble, c’est plutôt bien écrit, assez distrayant, parfois même très drôle, à partir d’une vraie bonne idée : lancer le personnage dans une quête parisiano-étrangère qui ne sort pas de la ville. Restent hélas de nombreux clichés (à commencer par la rupture en ouverture et la solitude du 10 m2), une attitude pseudo-provoc loin d’être hilarante et un indéniable parisianisme. Trouvera-t-on un intérêt à La Conquête de la Pologne si on ne vit pas à Paris, qu’on ne fréquente pas les lieux cités, qu’on ne les a peut-être même jamais vus ? Pas gagné.