L’histoire de ce roman est vraie : celle de Boris, jeune homme de 29 ans, journaliste au Monde, qui se retrouve subitement paralysé de la tête aux pieds. De cette maladie, on saura peu de choses, si ce n’est qu’elle a pu être causée par une piqure d’insecte, un plat infecté ou un kyste dans la tête. Quoi qu’il en soit, elle le cloue au lit, dans un état semi comateux. Commence alors un voyage dans les délires inconscients du protagoniste. Frôlant la mort, la dépravation et la folie, Razon nous entraîne dans un dédale hallucinatoire. Il y est question d’artificiers, de mondes illusoires, d’hommes-légumes, d’hommes-oiseaux, d’un navire-hôpital, d’une attaque à Singapour, d’émeutes, de meurtres… Le monde est sens dessus dessous, tout n’est ici qu’absurdité et non-sens. Mais cette traversée s’avère un rite de passage : le narrateur devra voyager longtemps et surmonter des obstacles comme Ulysse, avant de renouer avec lui-même. Enfin, il y aura la mort symbolique du narrateur, qui le fera devenir un autre.
Le texte peut paraître loufoque, mais cette folie même permet de repousser la vraie folie : « Je ne suis qu’un pauvre malade, un jeune homme qui s’invente une épopée pour ne pas sombrer dans la folie ». Parfois, l’actualité rejoint ce monde irréel, comme dans la ville d’Ecully où explose une émeute menée par des jeunes. Le tragique côtoie alors le comique : Boris et ses amis créent un spectacle pour prendre la fuite. Boris vole dans les airs avec ses ballons, alors que le mal rôde autour… On ne prend rien au sérieux, sachant que tout est hallucinatoire ; reste un malaise devant tant de violences. La souffrance de Boris est-elle forte au point de rendre cette fiction si noire ? « La douleur est un langage, comme l’inconscient ». On avale facilement ce pavé, car la langue est fluide et concise, mais on regrette vite qu’il soit si long et bavard ; ça manque de distance, façon Murakami.