On avait beaucoup aimé à Chro le premier roman de Noémi Lefebvre, L’Autoportrait bleu, en 2009 : un livre drôle, touchant, singulier, maîtrisé, qui présageait du meilleur et donnait de sérieux gages sur les facultés de son auteur. Nous voici bien déçus par L’Enfance politique. Non que le roman soit complètement médiocre ; mais il nous semble tout à fait raté, les qualités véritables de l’écriture de Noémi Lefebvre étant ici gâchées, muées en tics ; quant à l’introspection, elle se fait férocement caricaturale.
De quoi s’agit-il ? Martine, femme déjà mûre, vit encore avec sa mère qui l’a recueillie ; elle passe ses journées au lit, à fumer et divaguer en regardant des séries. Elle monologue par brefs paragraphes, formant autour de son mal-être de longues circonvolutions. On comprend bientôt qu’elle sort d’un séjour en HP où elle a été internée à la demande de sa mère après une énième tentative de suicide ; peu à peu, le lecteur découvre par touches, allusions, scènes d’abord troubles puis éclaircies, les racines de ce malaise existentiel qui, au-delà de Martine, vont creuser du côté du père et de la guerre d’Algérie, ou de la mère et de son enfance dans un orphelinat sous Pétain.
Hélas, le côté régressif et répétitif du monologue sonne simplement débile ; les jeux de mots ou les associations d’idées, dans un tel contexte, finissent par se réduire à un truc d’écriture lassant et la lenteur de décantation du propos rend la chose aussi asthénique que la narratrice. Sans compter le peu de fond qu’on trouve à la révélation du mal ; les références complètement cliché à l’orphelinat de bonnes sœurs, à Pétain ; les considérations creuses et rabâchées sur la violence de l’homme civilisé, etc. Voilà comment un bon concept, servi par un talent véritable, peut s’écrouler dans une auto-parodie lestée de lieux communs. Puisse donc L’Enfance politique ne relever que de la crise de croissance vers la maturité littéraire, toujours possiblement remarquable, de Noémi Lefebvre.