(Verticales, 65 F, 110 p.)
« LES AVANTAGES SOCIAUX C’EST LA MORT » : voilà un mot d’ordre de 68 qui ne pouvait finir en affiche publicitaire. A l’égal de bien d’autres graffiti relevés méthodiquement par plusieurs employés d’un laboratoire, et réunis tels quels dans ce volume, sans souci de mise en scène, il convient de souligner l’intention poétique.
Cette intrusion dans la sphère politique, évitant le piège du gauchisme-misérabiliste, était l’apanage des situationnistes : « L’Humanité ne sera heureuse que le jour où le dernier bureaucrate aura été pendu avec les tripes du dernier capitaliste. »
Et comme le remarque Yves Pagès dans sa préface : « C’est la leçon essentielle de ce document d’époque : l’impasse faite sur les idoles révolutionnaires consacrées. Si le grand Karl a, par brides, droit de cité, ses disciples officiels font bien pâle figure. » Un Marx ignoré des appareils du parti ou de la C.G.T. Certains intellectuels bourgeois, falsificateurs de l’Histoire, ne s’en sont toujours pas remis. Car seuls les auteurs qui comptent (Pascal, Hölderlin, Tzara, Ginsberg, etc.) eurent droit de citer (parfois avec inexactitude). Qu’importe ! Fulgurances, paroles fragmentaires ayant le jaillissement de l’éclat, rendent à l’événement une réelle présence. Même s’ils sont le reflet d’errances sans oasis, l’annonce d’un nouveau continent qui ne vint jamais. On pourrait s’étonner de voir y figurer un « Vive le roi ». Mais sans doute était-il encore possible de chanter tour à tour L’Internationale et Vive Henri IV.
Ce livre est une invitation à déambuler « dans l’antique et solennelle faculté parisienne ». Un joyeux désordre de l’enthousiasme y vécut le temps d’un printemps. Depuis, ce geste n’a pu être renouvelé.