(Larousse 295 F, 1232 p.)
Tout honnête homme se doit de posséder, pour sa connaissance (et plus modestement le plaisir qu’il en retire à leur lecture), de merveilleux outils de « références ». Le dictionnaire historique de Michel Mourre est de ceux-là. Cet érudit, disparu en 1977, consacra la majeure partie de sa vie à des recherches qui aboutirent, quatre ans après sa mort, à une synthèse miraculeuse : Le Petit Mourre (Éditions Universitaires). Dans cette somme considérable d’articles écrits (civilisations, pays, idéologies, personnages et batailles), l’humeur et le parti-pris étaient de mise. Souvent avec excès, parfois de manière injuste en ce qui concerne des peuples ou des personnages n’ayant pas ses faveurs. Mais on y goûtait un esprit tourné vers ses sujets avec chaleur et écrivant sans frilosité. Cela n’était pas pour nous déplaire.
Aujourd’hui, c’est une formule abrégée (en un fort volume paradoxalement enrichi de thèmes et de personnages ayant marqué l’époque récente) de son Dictionnaire encyclopédique d’histoire universelle (Bordas) qui nous parvient. La manie du rewriting, cette manière peu orthodoxe de tromper un auteur (avec l’accord des ayant-droits ?), éclate ici au grand jour. Si la fresque reste somme toute imposante, le « collectif » s’est mis à nettoyer, élaguer, rajouter et raccorder, beurrant du papier blanc afin de fixer, d’encadrer, bref de neutraliser le sang et la passion qui firent l’intérêt de cette œuvre. On ne pourra évoquer ici le miracle de l’écriture collective… Suivant « les évolutions de la discipline et (intégrant) l’histoire la plus récente » (dixit l’argumentaire de la publication), plusieurs hommes politiques (Jacques Delors occupant une plus large place que Cicéron, j’en rirai encore dans dix ans) et organisations internationales (les institutions européennes notamment) ont droit à de grandes largesses. Ces faveurs – a quelles impostures peut bien conduire le fétichisme de la publicité ? – plairont aux grandes familles humanistes du pays, aux étudiants ou lycéens en mal de culture digeste et rapidement assimilable. Les éditions Larousse auraient pu tout aussi bien, dans l’élan de leur audace, inaugurer un joli placard (publicitaire s’entend) : au rayon esbroufe, voici venu le temps des encyclopédies du faux-semblant. On comprend mieux alors leur volonté de garder un nom illustre sur la couverture. Voilà qui mérite le fouet !