Au commencement était le Verbe. Rapidement, Bossuet se l’appropria pour lui donner corps. Madame Guyon, qui ne fit pas l’économie de son orgueil et s’enferma dans une trompeuse illusion, trouva en sa personne, tout comme le subtil Fénelon, un interlocuteur à la hauteur de sa démesure. Ses pages admirables sur la querelle du quiétisme, qui n’est pas tout de la richesse de ses écrits, sont là pour nous le rappeler : on ne badine pas avec la théologie, surtout face à un procureur de la Contre-Réforme aussi intransigeant – une intransigeance qui est ici synonyme d’incarnation de la solitude. Il y a du Marc Aurèle dans cette attitude. Tout le contraire de la pose.
Portrait en creux du Grand siècle, car « tout est résumé là, l’absurdité fascinante d’une société capable de dépenser une énergie fabuleuse au maintien d’une Fiction majeure, nécessaire, follement nécessaire », Le Tombeau de Bossuet ressuscite la puissance formelle d’une langue qui était le bras armé de la pensée. C’était en des temps où le paraître avait la délicatesse de rejoindre l’être.
Il est bien rare de trouver un esprit faisant corps avec l’œuvre de l’auteur qu’il présente. Dans une langue aussi précise que chatoyante – une langue que l’on devait pratiquer, j’imagine, avant 1940, comme disait l’autre -, Michel Crépu vient, l’air de rien, de livrer un essai magistral sur quelques questions essentielles. Son Bossuet force le respect. Dépoussiérant les trois siècles qui nous séparent de ces dialogues, il a su redonner à l’Aigle de Meaux toute sa dimension immédiate, c’est-à-dire éternelle. Moraliste méconnu, sans doute parce qu’il ne possédait pas les traits de plume en éclairs cristallins de son ami La Rochefoucald, Bossuet a pu nous paraître éloigné des considérations actuelles (la faute aux notables des lettres de notre modeste scolarité ?). Sa présence n’en est pas moins réelle. Par la grâce d’un ouvrage passionné, cet oubli est réparé. Nous avons toujours eu une affection particulière pour les perdants magnifiques.