Martin Amis s’est forgé depuis plusieurs années une solide réputation « d’enfant terrible des lettres anglaises ». Son écriture, ses thèmes sont pourtant plus proches de l’univers américain. Publié il y a deux en France, L’Information, un gros roman assez verbeux, laissait déjà présager de cette tendance de l’auteur -tout en maintenant une certaine distance, par l’humour, entre les deux sensibilités. L’Angleterre doit l’ennuyer. En matière criminelle, par exemple, il se passe plus de choses sur le continent nord américain.
Ainsi, Train de nuit emprunte les chemins du roman noir : ville sans nom, mœurs locales (traduire : désastreuses), police aux procédés facilement identifiables, rien ne manque à cette enquête conventionnelle (?) sur la mort de Jennifer Rockwell. Ce serait oublier qu’un sujet traité par Martin Amis est toujours l’objet de quelques distorsions thématiques et dysfonctionnements d’ordre psychique. Et aussi de trouvailles : le passage de l’autopsie clinique à l’autopsie psychologique entreprise par l’inspecteur Mike Hoolihan, puis la façon qu’elle aura de convoquer sa part d’ombre pour la calquer et enfin la confondre avec celle de la morte. En effet, on comprend ici assez vite qu’aucun coupable ne sera trouvé, puisqu’il ne s’agit pas d’un meurtre (même si de longues pages -celles des interrogatoires- sont consacrées à la recherche d’un meurtrier), mais d’un suicide. Et d’un suicide d’autant plus compliqué à élucider qu’il pourrait se résumer à une « envie infantile d’annuler le bonheur terrestre et de le rejeter sous prétexte que ce serait une fausse piste ? »
Ce n’est pas tant l’intérêt du sujet et la progression implacable du récit que la manière un peu fade dont il est traité qui nous gêne ici. Le talent de son auteur pour mettre en scène les faces les plus sombres du monde moderne n’est pas à remettre en cause, mais pour ce qui est du style…