Monté sur la grand-scène de la préface, Sylvain Campeau fait moult pirouettes et autres acrobaties « circonvolutoires ». Il est difficile malgré ses efforts de se convaincre à leur lecture que les poèmes en prose de Psyché au cinéma ne sont pas des textes mineurs. Acteur important des luttes littéraires du début du XXe siècle, Marcel Dugas contribua à l’avènement d’une écriture moderne québécoise. Il est cependant un écrivain oublié, de ceux qui ont participé aux mouvements en leurs dévouant corps et âmes, mais dont le nom est demeuré dans l’ombre, non par ingratitude, mais parce que l’Histoire n’a jamais retenu que les grandes gueules.
Sachant cela, on peut lire ce petit livre et y trouver du plaisir, même si Psyché au cinéma n’a pas l’éclat splendide que son auteur a su donner par ailleurs à d’autres textes poétiques. C’est indéniable, Marcel Dugas a du talent. Il se montre avec les mots un habile magicien mais le lapin ne sort pas toujours du chapeau sans qu’on en voit les ficelles : clichés, pudeurs d’emprunt, sadomasochisme d’opérette (Ah, le libertinage conventionnel !), références superfétatoires à un héritage classique, entravent quelquefois ses envolées poétiques et ternissent ce qui ressemble à une véritable inspiration. En ce qui me concerne, je n’ai jamais bien compris ce besoin d’invoquer toutes les trois virgules, les dieux, l’amour, le beau, le mal universel, le ciel et la mer céruléenne, Pompéi et autres instances poétiques génériques.
Cela fait bientôt 150 balais que le brillant Baudelaire inaugurait le genre avec les Petits Poèmes en Prose. Depuis lors, nombreux sont les auteurs qui se sont mangés les dents en empruntant cette voie périlleuse. Par définition, un poème en prose vise le maximum d’effet poétique avec le maximum de procédés prosaïques. Le risque, c’est de donner des airs de poésie à ce qui n’est qu’une prose avortée. Or les poèmes en prose de Marcel Dugas sont trop narratifs pour être essentiellement poétiques ou pas suffisamment narratifs. Bref, on reste un peu sur sa faim.
Marcel Dugas connaissait les règles de la modernité et cela fit de lui un essayiste remarqué, un défenseur indispensable dans l’affirmation d’un engagement littéraire réformateur dont la revue Nigog fut l’organe. Mais on ne trouve pas dans Psyché au cinéma la verdeur qu’il avait su donner dans ses litanies. On eut aimé que cet habitué du salon de la comtesse de Noailles se chargeât des véritables « colères errantes de son époque » ; au lieu de quoi, il choisit plus de modestie.