Pour les distraits ou les désargentés qui ont manqué, le printemps dernier, le premier tome des œuvres romanesques complètes , l’Album Aragon à la « Bibliothèque de la Pléiade », et une nouvelle édition de La Défense de l’infini, Gallimard, bonne fille, organise une session de rattrapage. La saison s’y prête. D’autant plus que l’on célèbre cet automne le centenaire de la naissance d’Aragon, le 3 octobre 1897.Pas moins de trois publications, en format poche, paraissent pour le saluer. Acte délibéré ou heureuse coïncidence, la nouvelle éponyme du recueil Le Mentir-vrai et le roman Les Aventures de Télémaque renvoient, tous deux, à l’enfance de leur auteur. Certes, dans un registre différent. Ainsi, conscient de « la puérilité » de ce dernier ouvrage -« croisement entre Fénelon et Dada »- publié en 1922, Aragon l’explique par le fait que « ces aventures ne dépassent pas le cycle de l’enfance ». Quant à la nouvelle Le Mentir-vrai, écrite en 1964, elle est l’occasion pour lui de revenir sur ses années d’enfance par un subtil jeu narratif mélangeant fiction et réalité. Texte capital dans lequel Aragon voit, plus qu’une nouvelle, l’expression même de son art romanesque. Là réside sans doute l’une des difficultés pour appréhender cet auteur aux mille facettes. Le dadaïste, le surréaliste, l’amant, l’ami, le romancier, le poète, le journaliste, le communiste, le résistant Aragon n’hésitant pas à s’avancer masqué, comme pour ajouter encore à la confusion. Dès lors, « comment démêler, dans la vie d’Aragon, l’enchevêtrement des fils qui seraient censés mener à la vérité ou au mensonge ? » C’est l’une des questions posées par Jean Ristat dans le bref essai biographique très documenté qu’il consacre à l’auteur d’Aurélien. Complémentaires, ces trois publications apportent, chacune à leur manière, des éléments de réponses. A cet égard, une mention spéciale est à réserver pour Le Mentir-vrai. Regroupant vingt-huit nouvelles écrites entre 1923 et 1970, ce recueil offre une vision de l’œuvre d’Aragon dans la durée. Depuis Le Cahier noir, l’un des fragments de La Défense de l’infini, jusqu’à La Valse des adieux, en passant par les nouvelles clandestines écrites sous l’Occupation. Reste donc maintenant à répondre à l’invite d’Aragon, reprise pour titre de l’essai de Jean Ristat : Commencez par me lire !.
Fabien Spillmann
Louis Aragon – Les Aventures de Télémaque (Gallimard collection « L’Imaginaire »)
Jean Ristat – Aragon. « Commencez par me lire ! » (Découvertes Gallimard)