Kiyeong, agent secret, est venu de Corée du Nord voici dix ans pour s’installer dans le Sud et accomplir sa mission. Il y mène une vie tranquille et paisible, s’habituant agréablement aux conforts d’une ville moderne et capitaliste, avec sa femme et sa fille ; non comme espion mais comme citoyen ordinaire, oublié de sa patrie. Un jour, on lui demande de rentrer. Dilemme : que faire lorsqu’on a appris à être ce qu’on n’était pas, lorsque l’environnement, la vie, les autres nous ont modelé tel qu’on est aujourd’hui, délivrés du passé, d’une mémoire, d’un pays qui n’est plus le nôtre ? Kiyeong acceptera-t-il de quitter sa famille, sa vie ? Alors qu’il ne sait plus ce qu’est la misère, la restriction, et la frustration ? Le romancier ne prend parti ni pour un système ni pour un autre : il pose des questions sur le sens de l’existence. Les hommes semblent passer leur temps à lui chercher une logique, indique-t-il, alors que celle-ci est somme toute très simple ; il ne sert à rien de chercher des idéaux ou des croyances, le seul but de l’existence est de survivre.
Thèmes riches, évidemment, qui n’empêchent pas une légère déception. L’Empire des lumières n’est certainement pas un mauvais roman, mais il lui manque une intensité, un regard original sur le monde. On s’attend à une réflexion philosophique, presque existentielle, mais le texte ne développe que des idées banales, déjà familières. La construction, organisée en souvenirs et réminiscences, aurait gagné à posséder un fil conducteur plus solide, des charnières pour l’articuler plutôt qu’un amas désordonné d’images du passé. Plus resserré, plus concentré, le texte aurait sans doute gagné en intensité. Sentiment mitigé, au fond, d’un beau livre qui n’emporte pas comme on l’aurait souhaité.