Par son goût de la trangression et des sujets envoûtants, Jules-Amédée Barbey d’Aurevilly ne laissa pas de marbre ses contemporains (aujourd’hui encore… qui sait ?). Hanté par la décadence – et la déchéance des corps -, cette âme noble subit les foudres de la censure. Elle l’accusa de tous les maux : sadisme, immoralité, etc. Elle oubliait l’essentiel. Un écrivain, c’est avant tout un style. Et ce diable d’homme en possédait bien un.
A l’égal de ses plus grands romans, la longue nouvelle Le Bonheur est dans le crime le prouve aisément. Le fantastique cède ici la place à une autopsie minutieuse des âmes. Deux protagonistes tout heureux de baigner dans le crime (une jeune servante empoisonne sa maîtresse avec la complicté du mari de celle-ci, pour épouser ce dernier) sont au centre de ce tableau de mœurs. « Ou il faut renoncer à peindre le cœur humain, ou il faut le peindre tel qu’il est », affirmait l’auteur. Nulle rédemption n’est donc à aller chercher dans ces pages (pas plus que dans celles évoquant La Vengeance d’une femme, une autre nouvelle lui faisant suite). Et l’expérience du Mal n’est pas le chemin le moins inintéressant pour parvenir à raconter une histoire vraie, surtout si l’on sait que le Bien lui est de toute évidence supérieur.
En cette matière, Maupassant lui doit beaucoup. Le petit Mauriac également (on a la descendance que l’on peut). Ses écrits méritaient sans doute meilleure filiation. A les lire, le bourgeois ne s’en est toujours pas remis.