Manuel à usage d’auteurs, Nos dernières frivolités rassemble quelques anecdotes et pensées sur le thème à la mode : comment, dans cette société devenue odieuse est-il possible de vivre les relations homme/femme ? Question cruciale qui monopolise la veine critique voire autocritique de l’auteur. Ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas là de velléités révolutionnaires ni d’une volonté de réforme sociale, non, plutôt d’une polémique dans un boudoir -une conscience d’auteur faisant boudoir- à la limite de la confession. Tout ceci reste bien à plat, écrit avec des références semées dans tous les coins. On y trouve de tout, de Nietzsche à Larbaud -pour le vernis philologique ?- en passant par Poe -mea culpa générique oblige-, mais jamais ces références ne sortent de la boîte à penser du personnage, assez à l’aise, en dépit de sa posture suicidaire -« Des heures Métanox »-, dans son petit monde névrosé.
Mais Monsieur se donne des grands airs, monte sur ses grandes formules sensées nous faire sentir la déréliction du vivre et adopte paradoxalement un style prétentieux qui nous rappelle la tendance mécaniste d’un discours qui plaque les essences individuelles sur des pancartes. Mais il y a plus grave : ici c’est le fond même de la pensée qui est assommant de banalité. Et là, on ne peut s’empêcher d’opposer à ce complexe-écrivant cette phrase célèbre : « Il y a deux sortes d’hommes : il y a ceux qui disent qu’il y a deux sortes d’hommes et il y a ceux qui ne le disent pas ». Malheureusement, nous ne sortons pas de cette tarte à la crème déversée à longueur de nos journaux démago-psy.
Ainsi, sous couvert d’une tradition philologique qui n’a rien demandé, Jean-Pierre Cescosse accumule les mots à tort et à travers comme pour remplir au plus vite ces quelques feuillets qu’il doit à son éditeur ; un manque d’inspiration criant, un comble pour qui se veut nouvelliste. Le style sort la grosse artillerie pour ces quelques piétons qui ont baissé les bras, les effets stylistiques sont cousus de fil blanc et pas toujours des plus délicats, sans compter l’inspiration musicale convenue : des paroles de Noir Désir en guise de thèse contestataire ; du sarcasme de haute école. Les pages se succèdent sans découragement de la part de l’auteur qui semble expérimenter dans un sound system littéraire toutes les rhétoriques rencontrées dans sa carrière de lecteur ; nous restons perplexes devant tout ce déploiement, et l’on a beau jeu de nous assurer que « [nous allons] comprendre »
À ces attaques sournoises, le personnage en question a trouvé la parade : il est un incompris ou le retour du poète maudit qui maudit la critique, s’attend aux mauvais coups, toujours prêt à balancer le procès d’intention qui tue. Cher, Cher…, nous n’avons rien contre vous, a priori, nous essayons seulement de nous y retrouver dans ce carnaval de formes, de démasquer le sens. Mais là, surprise : apparaît un forçat du Thésaurus aux prises avec la pantomime d’une chanson de Patrick Bruel… Comme l’écrit Larbaud : il serait temps de « découvrir qu’il y avait un contenu dans ces formes« . Or, le sens manque ; symptomatique de cette crise : un magma verbeux entrecoupé de points-virgules, tentative désespérée d’arrêter la fuite d’un sens qui s’est déjà fait la belle depuis longtemps ? Espérons seulement que ces frivolités resteront les dernières.