La RAGE. Une rage si peu commune dans « les lettres françaises », ce tombeau ouvert, que l’on pourrait la confondre avec la haine, ce sentiment bourgeois qui gouverne ceux qui ne risquent plus rien. Celle d’une époque, la nôtre, celle de ces jeunes gens trop « sympas » pour être vraiment crédibles, celle de toutes ces « putains payées à la ligne » qui cornaquent ce monde que l’on appelle encore, faute de mieux, le monde de l’édition. Car pour elles, déjà, le temps a cessé. Pas pour cet écrivain prenant à revers le nihilisme passif ambiant. Un « chien », un loup dont le style -de vie aussi- se rapprocherait d’un Diogène.
Jean-Marc Parisis est parti en guerre dès son plus jeune âge. Entre une mère larguée, les absences répétées d’un père et ses errances prolongées, il cherche des refuges, absorbe toutes les lectures, et se construit un univers où la « beauté vivante » tient lieu de révélation. « Le chagrin ne m’a jamais vaincu, il a nourri ma colère. » Alors la réalité prend sens. Les fugitives se succèdent (« la Nine » et surtout Deirdre, petite Galloise tout en « brutales nuances », un condensé de bonheur, jamais revue, jamais oubliée), la perte de certaines illusions les suivent d’assez près. Les années filent. La répression est là, tangible. Parisis ne peut s’en accommoder. Il préfère s’immoler, pratiquer la politique de la terre brûlée. Et continuer à miser sur ses seules forces. Une citation (pour distraire le lecteur) : « Les femmes croient s’affranchir par des opérations systématiques de réification, de réduction des hommes. La loi, les mœurs les autorisent à les prendre essentiellement pour des godemichés ou des éprouvettes. Les hommes s’en arrangent, qui continuent à les traiter en poupées gonflables. La révolution sexuelle annonçait une libération des sens et de l’esprit. Elle a laminé l’imagination, éradiqué toute transcendance. »
Celui qui sera atteint par cet écrit -et qui parviendra à l’interprétation de cette parole- ne goûtera pas la mort, mais la VIE. Innommable, impensable, mais résolue, car Parisis tient à préserver ce qui peut encore l’être. Et il n’est pas impossible que le don et l’amour -cette loi suprême- aient leur mot à dire. In fine.