Retour à l’humain. Dans une société en voie de déshumanisation avancée, où la mort est évacuée, neutralisée par un silence aussi pesant que le poids de l’absence, où le désir s’altère pour ne plus être que désir du désir – pour les meilleurs d’entre nous -, il n’est rien de plus touchant que d’entendre une voix parlant avec une certaine mélancolie d’une époque révolue ; un temps où « il y avait besoin d’un certain délai pour que les événements du bout du monde nous parviennent, et donc une place pour l’empêchement, la résistance, une chance d’intensité pour le désir de connaître et de comprendre. »
Chronique intime de solitudes juxtaposées, ce texte d’une grande plénitude (un exercice de piété en fait) recompose l’identité de l’une d’entre elles : celle d’une grand-mère prise dans les derniers instants de sa vie. Il jaillira de ces instants fragiles des souvenirs épars, douloureux ou joyeux, des moments de lucidité perçante, tous témoignant d’une lutte contre l’abandon.
Pourtant, Pense à parler de nous chez les vivants n’est pas, malgré les pages de désarroi, de lassitude et de rage mêlés, le simple constat d’un état de consomption, mais plutôt un hymne à la vie. C’est là toute la justesse de Jean Delabroy, écrivain (pour une fois le mot n’est pas usurpé), que d’avoir fait revivre, l’espace de quelques heures – celles nécessaires à la lecture de cet étonnant roman -, la mémoire de cette personne.