Il y a quatre ans, on découvrait en français un inédit de Pessoa, Quaresma déchiffreur, dix nouvelles policières qui témoignaient de sa passion pour les histoires de détective et pour la déduction, dans le sillage d’Edgar Poe et de Conan Doyle. Or, ces nouvelles n’étaient pas sa première incursion dans le genre : une dizaine d’années plus tôt, vers 1906-1907 (il n’avait pas encore vingt ans), il avait écrit, en anglais, une courte série de récits mettant en scène un détective récurrent, le sergent Byng, en les signant du nom de l’un de ses deux hétéronymes de l’époque, Horace James Faber. Ce sont ces travaux de jeunesse qu’on peut lire aujourd’hui, traduit par Christine Laferrière, assortis d’une collection de notes sur la littérature policière et les règles du genre, destinée à l’origine à nourrir un projet d’essai.
Les principaux ingrédients des futures enquêtes de Quaresma sont déjà là : centralité du personnage de Byng, avec son alter ego Thomas qui fait office de Watson, résolution des énigmes à partir d’une analyse abstraite des caractères humains, etc. ; Ana Maria Freitas remarque aussi dans sa préface que Byng et Quaresma sont deux personnages composés à l’identique, avec une inaptitude prononcée pour la vie quotidienne, un fort penchant pour la bouteille et une vie antérieure abandonnée, médecin pour l’autre, policier pour l’autre.
Comme de nombreux textes de Pessoa, les quatre enquêtes de Byng ici réunies nous sont parvenues dans des états d’achèvement variés, avec un texte principal et divers fragments satellites ; d’où une lecture parfois compliquée, avec des mots manquants, illisibles, et de nombreux renvois aux documents annexes. Mais, outre que les admirateurs de Pessoa y trouveront un motif d’intérêt supplémentaire, cet inachèvement partiel ne diminue pas le plaisir de la découverte pour le profane, surtout s’il est amateur de littérature policière à l’ancienne.