Lorsqu’on évoque Heinrich von Kleist, le premier titre qui nous revient de nos lectures dramatiques, c’est Le Prince de Hombourg. Ce prince majestueux, le plus héroïque et le plus romantique des guerriers. Kleist, c’est la grâce, le romanesque, le drame, la sensibilité et l’inclassable. C’est l’écrivain « autre », hors catégorie, hors genre littéraire et courant de pensée. Il s’est fait sa place dans la postérité, sans jamais le vouloir, sans profiter d’un engouement qu’il aurait pu connaître de son vivant. Les modes, les vogues, les théories ne l’intéressent pas. Passionné et désespéré, il prend le risque d’être incompris. Ses textes proposent des interprétations diverses et sa pensée indépendante lui a valu d’être considéré comme un écrivain un peu marginal et maudit. Censuré, aussi, parce qu’audacieux et libre dans ses propos. Trente-quatre ans lui paraît être un bon âge pour renoncer définitivement à raisonner les autres : il se suicidera au bord du Wannsee, avec sa compagne, un jour de novembre 1811.
Gallimard s’est penché sur une part de ses écrits, ceux que l’on pourrait appeler « rencontre avec lui-même » ou encore des « éphémères », tous ces articles, billets d’humeur et ses élans poétiques. Toutes ces pensées jetées sur une feuille ; des réactions face au monde que lui comprenait parfaitement, mais largement incompris des autres. On découvre des pages précieuses, des émotions brutes, débarrassées de toutes les contraintes littéraires qu’il aimait, par ailleurs, s’imposer. Un aspect de Kleist que la collection Le Promeneur a bien fait d’isoler.