Née à Mexico en 1973, Guadalupe Nettel a étudié en France et vécu à Barcelone ; ses nouvelles partagent son humeur vagabonde et son écriture se ressent indéniablement de plusieurs vagues d’influences. Mexique, bien sûr, mais également France ou Japon : ses personnages n’appartiennent pas à des lieux définis. Ce qui les caractérise, ce sont leurs obsessions, disséquées par une plume froide, acérée. On connaissait déjà l’imaginaire de Nettel grâce à un premier recueil de nouvelles, Les Jours fossiles (éditions l’Eclose) et à son roman L’Hôte (Actes Sud). Son univers laisse la part belle à un imaginaire troublant, à l’étrangeté singulière, et n’est pas sans rappeler celui d’un Jose Carlos Somoza dans des textes comme Le Détail, La Bouche, ou d’une Yoko Ogawa, celle de L’Annulaire. Dans le monde que crée Nettel, aux portes du rêve, à moins que ce ne soit du cauchemar, on erre à mi-chemin entre le réel et un onirisme trouble, dangereusement attirant.
Quelle frontière entre normalité et anormalité ? Quand la voyeuse voit son voisin s’adonner à ses plaisirs solitaires dans le dos de sa visiteuse, restée au salon, de quel côté est la gêne ? Y-a-t-il une forme de folie à ne photographier que des paupières, même pour des besoins médicaux ? Ce Japonais entre deux âges qui subitement se passionne pour les plantes au point de s’identifier au cactus, qui est-il vraiment ? Que cherche cette adolescent à travers l’idée de la Véritable Solitude ? Que dire de ce chasseur d’odeurs, qui mène sa quête dans les toilettes pour dames des lieux publics ? Et de ce mannequin, dans la dernière nouvelle, intitulée Bézoard, qui arrache ses poils et ses longs cheveux roux, quand elle pense n’être vue de personne ? L’intimité selon Guadalupe Nettel frise l’obscène, installe une gêne parfois tangible, joue sur la notion de malaise, de mal-être, aborde les frontières du fantastique à travers la notion du monstrueux, par son décalage complet avec ce qui fait le quotidien. Et son écriture de Nettel, en la lissant, ne fait qu’exacerber cette monstruosité, érigée en attrait.