En 2006, Grégoire Hervier, 29 ans à l’époque, publiait son premier roman, Scream Test : un polar sans grande prétention surfant sur la mode de la téléréalité, dans lequel un groupe de jeunes, enfermé dans un loft et croyant jouer pour gagner un gros lot quelconque, était en réalité condamné à mort ; le public, au courant lui de l’enjeu réel, visionnait le huis clos sur le net, votait, et éliminait de malheureux élus qui étaient abattus en direct à leur sortie du bocal… Avec Zen city, Hervier poursuit sa dénonciation des travers de nos sociétés, cette fois sous l’angle sécuritaire. Soit donc une ville de rêve dont les habitants sont castés selon des critères précis, une ville du futur qui fait rêver comme un mirage aseptisé et qui mêle habilement écologisme à la mode et consumérisme exacerbé. Zen city, ou la dernière utopie branchée.
Celui qui nous y promène s’appelle Dominique Dubois : français moyen, statisticien, trentenaire, chômeur, remarquable – et remarqué – pour sa banalité presque outrancière. Débarqué à Zen city, il tient un blog, présenté comme le témoignage de la « Tragédie Zen city ». On le voit découvrant son appart Ikea, son frigo intelligent, sa voiture pub, goûtant à une sécurité optimisée par les centaines de caméras qui couvrent la ville, partant randonner dans les Pyrénées avec ses nouveaux camarades de jeu. Puis le décor bascule : une de ses collègues est assassinée, une mystérieuse fille de l’Est débarque chez lui. Et voilà notre Dominique entraîné bien malgré lui dans une affaire mêlant espionnage industriel et terrorisme façon hackers. Jusqu’à la fin, nécessairement tragique.
Rien de très original dans ce deuxième roman, sinon son habileté à évoquer les thèmes du moment : l’ambition sécuritaire, la surveillance, la consommation outrée. Hervier dénonce, bien sûr, mais, comme dans son précédent roman, et plus encore peut-être, le problème est qu’on n’a pas forcément envie de le suivre. Comme dans Scream Test, donc, les poncifs se suivent. Ironie (ou pas) : cette phrase qui arrive quelques pages avant la fin du roman et qui décrit le blog de Dubois : « Un récit truffé d’incohérence et très mal écrit, digne d’un mauvais roman d’espionnage ou de science fiction, on ne sait plus trop ». Descriptif qui, hélas, colle aussi au roman.