Explorateur sans concession des implications des nouvelles technologies (biotechnologies, cybernétique, réalité virtuelle) dans la définition même de l’identité humaine, l’australien Greg Egan nous livre avec sa nouvelle Cocon une critique sombre et pertinente de la place et de la tolérance qu’accordent nos sociétés aux homosexuels.
Dans un futur proche, un attentat dévaste un centre de recherche en ingénierie génétique développant le projet Cocoon. Celui-ci consiste en l’élaboration d’une barrière immunologique destinée à protéger le fœtus des drogues, virus et autres « poisons de notre société moderne » pouvant être véhiculés par le sang maternel. Ce bouclier immunitaire a un intérêt plus inavouable et plus rentable d’un point de vue marketing. Il permet également d’empêcher le passage dans le sang foetal d’hormones telles le cortisol et l’adrénaline, qui jouent un rôle dans la variété des prédispositions sexuelles de l’enfant à naître. Grâce à lui, on peut choisir de ne mettre au monde que des petits hétéros.
Chargé de l’enquête, le détective gay James Glass découvre que, comme lui-même, la destruction du centre n’est qu’un élément d’une sordide manipulation commerciale orchestrée par la firme finançant le projet Cocoon. Celle-ci a pour objectif de diaboliser gays et lesbiennes, qui préparent justement le quarantième anniversaire de leur carnaval, symbole de la conquête de leur reconnaissance et de leurs droits.
Comme la plupart des personnages de Egan, James Glass est projeté dans une situation où il lui est nécessaire de s’interroger, au-delà de l’affirmation de son individualité, sur son identité profonde. Il ne lutte pas pour la survie d’une différence imposée par d’autres, qu’il juge caricaturale et monstrueuse, et dans laquelle il ne se reconnaît pas, mais afin de conserver son humanité, sa propre nature. Egan ne tombe pas dans une mise en garde convenue des dangers potentiels des avancées scientifiques et de leurs utilisations. Il met en évidence les mutations auxquelles les nouvelles technologies nous soumettront, et comment elles nous forceront à une redéfinition radicale de la nature humaine. Lorsque notre identité aura été manipulée, modifiée, métamorphosée, et que nous serons devenus d’inédites chimères, alors ne nous restera-t-il que l’essentiel, « l’étincelle nue de l’humanité » ?