Dans une ville du Midwest, deux flics, Bank Arbaugh et Mack Steiner, achèvent leur patrouille quand un message radio annonce la disparition d’une adolescente -enlevée, selon toutes vraisemblances. Sept ans plus tôt, c’est la propre fille de Bank qui avait disparu. Comme s’il y voyait un moyen de revenir sur son passé, le flic s’investit corps et âme dans la recherche de l’adolescente, faisant pression sur Mack, son ami de toujours, pour le seconder. Bank revit point par point sa propre histoire, jouant son rôle de super flic, mais avec des motivations douloureuses de père de famille. De son côté, Mack commence à tisser des liens effectifs entre les deux histoires. L’intensité du mystère est à son apogée quand la propre fille de Mack disparaît à son tour…
Craig Holden signe avec Les Quatre Coins de la nuit un thriller efficace. Le dynamisme intrinsèque du livre accroche le lecteur au point de l’amener à poursuivre la lecture jusqu’au terme du récit, et ce, quelle que soit son opinion fondamentale sur ledit récit. A cela, plusieurs raisons -certaines inhérentes au genre, d’autres étant propres à cette fiction : comme la plupart des auteurs de thrillers, Holden force le trait « fait divers », jouant avec une conception inconsciente, propre au monde occidental, du bien et de l’intolérable. Pour ce faire, il utilise le même type de ficelles dramatiques que celles qui font l’efficacité d’un certain cinéma américain. Ses protagonistes sont très humains : Bank, mais aussi Mack ne sont-ils pas des époux, des pères de famille, et des flics qui font en sorte de mener leur barque contre vents et marées, péchant parfois, mais toujours avec beaucoup d’humanité ?
D’un point de vue formel, Holden calibre ses chapitres, alternant action, suspense, et vie passée (avec ce qu’il faut de trémolos et d’anecdotes sur l’amitié, le temps qui passe, et ce genre de thèmes qui font invariablement recette). L’ensemble est huilé par un peu d’héroïsme hésitant -car nos protagonistes ont beau être des représentants de l’ordre, ils n’en sont pas moins des hommes. Enfin, pour être sûr, l’auteur insuffle un côté dark au monde de la rue (histoire d’indics, de toxicos, etc.), qu’il assoira en fin de récit par une page de remerciements à différents pontes ornés de titres divers -docteur, coroner, procureur. Malgré cette précaution, le réalisme de Holden est peu solvable ; d’autres avant lui s’y sont attelés avec beaucoup plus de véracité -citons notamment Herbert Lieberman, qui passa du temps à étudier le fonctionnement d’une morgue avant d’écrire son ténébreux et ô combien admirable Nécropolis.
Pour parachever son exercice d’écriture efficace, Holden nous livre en pâture de l’inattendu très fashion, puisqu’il nous débusque une histoire de pédophilie et de mamans super-héros restées dans l’ombre. Les Quatre Coins de la nuit, on l’aura compris, pourra présenter un intérêt pour l’amateur de thrillers toutes catégories. Son efficience dramatique en fait un livre agréable à survoler. Si toutefois on veut frissonner dans des plates-bandes plus réalistes, on préférera sans hésitation le Cesare Battisti (Jamais plus sans fusil). Ou la relecture de livres de Lieberman, comme La Nuit du solstice ou l’incontournable Nécropolis.