Un jeune homme prometteur : titre culotté, s’agissant d’un premier roman paru en pleine rentrée littéraire. Comment ne pas penser que Gautier Battistella, 38 ans, Toulousain devenu Parisien, aujourd’hui journaliste, y parle d’abord de lui ? Mais il est plus malin que ça, et tout le livre est rempli de jeux de miroirs habiles sur le thème du vrai-faux, avec un personnage de Rastignac qui monte à la capitale, tente de se faire une place dans le monde des lettres, puis tombe… Reprenons.
Il y a trois histoires en une. Première histoire : enfance et jeunesse, dans le Sud de la France, d’un gamin abandonné, adopté avec son frère par une vieille dame célibataire qu’ils appellent Mémé. Premiers coups de poings, premières amours, premiers chagrins. Deuxième histoire : notre héros part à Paris, cherche un job dans la presse, se passionne pour la littérature. Mais rien ne va comme il veut : le public est entiché de romanciers qu’il juge nuls, la presse n’a pas grand-chose à offrir et, comble de malheur, son ancienne petite amie, devenue attachée de presse, est dévouée à son ex-rival, devenu écrivain à succès. Seule consolation, il retrouve la trace de sa mère biologique, femme mystérieuse hébergée depuis vingt ans dans une clinique. Troisième histoire : adieu Paris, bonjour Bangkok, où il fait ami-ami avec un ex-romancier vedette des 70’s, avant que se dénoue l’écheveau généalogique qui forme la trame principale du livre.
Les deux exergues témoignent qu’on passe d’un extrême à l’autre : Le Petit Nicolas et American Psycho. Battistella ne fait pas les choses à moitié (400 pages, du souffle, des rebondissements), et ose toutes sortes de jeux casse-gueule, en les réussissant : l’autocommentaire, la satire du milieu littéraire (un joli personnage d’écrivaine hystérique, mélange d’Angot et de Pancol), le doute sur la réalité. C’est rondement mené, les effets sont ménagés avec art (on ne voit rien venir). La fin paraîtra peut-être énorme, et on aura beau jeu de trouver des maladresses (« Mes pas craquaient sur le gravier de l’allée ») ; mais impossible de ne pas saluer la réussite de ce roman vivant, astucieux, qui reprend des ressorts classiques (la quête identitaire, à nous deux Paris, etc.) et en tire un texte personnel, original, enthousiasmant. Belle découverte.