C’était juste avant que Pauvert ne se lance dans la récup’ de bas étage. Et en même temps que la parution de l’exaspérant délire mystique de Lorette Nobécourt et consort. Frédéric Galante, tout juste 26 ans, signe avec 611 Sud un premier roman ardent qui donne dans le sanguinolent. Rouge, de la première à la quatrième de couverture, et ce dans chaque ligne du texte. Etouffant presque, tant le terme est récurrent.
611 Sud, est ainsi le récit du contrat qu’un petit homme de 17 ans passe avec « le Vieux », son grand-père jusqu’alors inconnu et ourlé d’une aura mystérieuse. Ce ne sont pas moins que 611 hommes qu’il devra tuer pour venger sa famille et expier sa propre faute. Charmante histoire a priori. Mais plus que l’intrigue, conte moderne somme toute assez banal, c’est la manière qui fait le récit.
Une histoire pareille, impossible de l’imaginer au nord. La Sicile comme théâtre de la cruauté qui étouffe par la chaleur d’un soleil incandescent. Un programme clair et géométrique pour ce narrateur : meurtre le jour, sous une lumière opaque et froide ; amour, la nuit dans des couleurs chaudes et agressives. Avec une idée qui sous-tend le récit de bout en bout : tout est son contraire. Les extrêmes s’enchaînent discrètement et l’idée post-adolescente que la haine est de l’amour devient ici très claire. Tuer ou baiser ? Pour cet adolescent sans recul pour l’interprétation, c’est du pareil au même : un plaisir lubrique, de chair enivrante, tout de jouissance et de passion.
A travers une recherche poétique qui connaît peu de règles, Galante essayera -un peu trop parfois- de percuter notre part sensible. Rythmiquement, le narrateur pleure celle qu’il a perdue par sa propre faute ; sans larmes, juste la plus violente des froideurs. Celle à qui il s’adresse est anonyme, comme la plupart des autres personnages du roman. Et si dans toutes ces pages il y a si peu de noms, c’est simplement la part de l’irréel. On se pose à peine la question puisque chaque personnage est un archétype purement fictionnel du conte : le patriarche missionnaire, le héros missionné et ses guides inopinés et divins. En l’occurrence, retour au bon vieux principe de la fée. Elles (car elles sont plusieurs) conduiront mystiquement et directement le héros, facilitant ainsi la trame du récit. Un talentueux compromis donc entre la fable allègre et le roman caverneux.
Dans la plus légère expression, Galante explore orgies sexuelles ou meurtres en série sans jamais inspirer le dégoût, oscillant entre un verbe adulte et celui de l’enfant, mais sans jamais hausser le ton.