De Pliskin, on se rappelle L’Agent dormant, irrésistible portrait de l’intellectuel de gauche autoproclamé subversif et ami des minorités, mais cachant sous son vernis moral un train de vie de grand-bourgeois et un goût honteux pour le succès. Ce nouveau roman brasse des thèmes déjà explorés dans les précédents : la paternité, le moralisme de gauche, les ambiguïtés de l’apologie du métissage. Le héros, David Levy, est prof de fac, spécialiste de l’histoire des génocides, pénétré de bien-pensance bobo (sur les émeutes en banlieue : « Le feu est le langage de ceux qui n’ont pas les mots »).
La première moitié du livre est une sorte de portrait par tranches de vie empilées : David en société (« Il répugne à l’admettre, mais tous ses amis sont blancs »), David en famille, David et son bébé en poussette dans le quartier République. Tout bascule lorsqu’il rencontre Bintu, la fille de son avocat de voisin : 22 ans, métisse, délurée, agressive et conseillère municipale UMP à Amiens. Cette beauté suscite chez lui une passion violente : il quitte femme et enfant et emménage avec elle, sans qu’on sache si c’est la femme ou le cliché social et le défi personnel qu’elle incarne (vivre en conformité avec ses principes, abandonner son monde blanc pour se frotter à cette altérité noire qu’il célèbre sans cesse) qu’il aime vraiment. L’affaire finira mal, évidemment… Chronique sociale et satirique, sorte de Petit-frère (le best-seller de Zemmour) en infiniment mieux, Le Juif et la métisse est une charge piquante sur la bourgeoisie de gauche, le flot de lieux communs qui lui tient lieu de morale, sa charmante hypocrisie (David plaide pour le mélange social tout en fraudant pour inscrire ses enfants dans un établissement moins coloré – public, cela dit, en sorte que sa conscience est sauve) et l’explosion de ses idées au contact de la réalité.
L’ensemble demeure malgré tout moins abouti que L’Agent dormant (scènes de famille un peu longuettes dans la première moitié, avec son cortège de diarrhées infantiles et de couches-culottes), dont il reprend d’ailleurs le propos. On regrette l’impression de déjà lu, tout en appréciant l’efficacité de la caricature.