Ce livre fait suite à l’essai Le Travail. Une valeur en voie de disparition, qui proposait une analyse historique, critique et philosophique de la valeur travail au cours des âges. Ici, c’est la richesse qui est analysée en détail, mais l’étude reprend quasiment tout ce qui avait été déjà exposé dans le précédent ouvrage, si bien qu’on a souvent la pénible impression de déjà vu, alors qu’on attendait de nouveaux développements et de nouvelles perspectives… Délibérément contre le néolibéralisme, l’auteur réexpose les mêmes idées, tire les mêmes sonnettes d’alarme et claironne les désormais classiques mises en garde. Certes, on ne préviendra jamais assez sur les dangers que nous fait encourir le capitalisme sauvage, et le soir de la crise finale, l’auteur ne pourra pas se reprocher d’avoir failli à sa mission. Nous voilà prévenus ici en long et en large : il faut à tout prix sauver l’Etat, car il est le seul garant des libertés, de la redistribution équitable des richesses produites et la seule manifestation concrète de la société. Sans Etat, pas de Société et encore moins de Civilisation.
On peut largement partager ces vues, il n’en reste pas moins que cet ouvrage laisse sceptique. La première critique qui vient immédiatement à l’esprit, c’est qu’il est un courant de gauche, résolument opposé à la pensée unique, qui réussit à produire un discours aussi carré, massif et unique que la pensée unique contre laquelle il se bat. Comme si l’adversaire avait monopolisé déjà tous les arguments, toute la pensée possible, et qu’il ne restait désormais plus d’autre issue que de fabriquer un second blockhaus à côté du premier, armé du même dispositif aveugle et du même manque de discernement. La défense est tellement cadrée sur l’attaque, qu’elle finirait presque par lui ressembler. Ainsi : « Au capitalisme comme objectif et comme méthode, il nous faut substituer l’impératif de développement. Et plus précisément l’idée de développement humain (…) un développement de l’homme qui prend pour sujet et pour objectif l’homme ; un développement -de l’homme et de son environnement, du monde, de la nature- ayant pour caractéristique d’être humain, c’est à dire de respecter un certain nombre de critères définis a priori. » Pour faire contrepoids au capitalisme, il convient de promouvoir une économie sociale ; contre l’individualisme, le moyen le plus sûr d’affermir les individus, de les rendre autonomes, est de mettre à leur disposition tous les services publics, toutes les ressources dont la société regorge afin qu’ils deviennent ce qu’ils sont, qu’ils contribuent volontairement à l’enrichissement et à la civilisation perpétuée de la société dans laquelle ils se trouvent… Bref : un livre intéressant pour nourrir le débat sans le faire avancer d’un pouce. Quant à Diogène de Sinope, il est certain qu’il en ferait des cocottes en papier.