Franck Robinson est un obsédé, doublé d’un homme libre. Deux états quelque peu contradictoires, dira-t-on, mais cela ne semble pas gêner David McKinnon : l’auteur aime provoquer ses lecteurs et, si possible, l’humanité dans son ensemble. « Franck se demande comment s’y prendre pour faire l’amour avec une ville entière », annonce bravement la quatrième de couverture. Vaste programme, plus difficile à mettre en oeuvre qu’il n’y paraît. Car si les pitreries de Franck parviennent à nous tirer quelques sourires pendant une centaine de pages, les 100 suivantes lassent et le livre finit par nous tomber des mains. Le problème de Franck Robinson monte au paradis, c’est qu’il n’apporte rien de neuf au personnage du pervers vieillissant et dépensier. Aux deux tiers du livre, on a droit à la citation intégrale d’un couplet de Bonnie and Clyde de Serge Gainsbourg. On ne comprend pas bien pourquoi, si ce n’est pour donner à Franck un alter ego crédible. Il y a quelques années, dans sa trilogie de la Sainte Bob, Philippe Djian inventait un personnage somme toute assez proche de celui de Franck Robinson, en plus sympathique et, surtout, en plus convaincant dans ses traits d’esprit. Malheureusement, Franck n’a pas la franche lucidité de Francis, le héros accablé de Criminels. Franck, lui, est cinquantenaire, sexuellement insatiable, et s’entiche de toutes les prostituées de la rue Saint-Denis avant de tomber amoureux de la mystérieuse Sheba. « Tout ce que je fais n’a d’autre sens que de marquer le temps », affirme Franck en marquant la pose, « d’une cigarette à la suivante ou d’un verre à un autre. D’une chatte à l’autre ».
Alors que sort enfin en France le magnifique roman de William T. Vollmann (lire notre entretien-fleuve), La Famille royale, l’un des plus beaux livres jamais écrit sur la prostitution, il faut un grande dose de patience pour suivre de Paris à Montréal et retour les frasques caricaturales d’un Franck bégueule et tout en formules qui fleurent bon le cliché (« exercer le droit, c’est comme piloter un avion ou faire la guerre. Pas de demi-mesures » ; ou encore « on tombe toujours sur les mêmes acteurs dans les cafés chics et branchés »). On est bien en peine de comprendre les motivations profondes du personnage. Jusqu’au bout, il reste fidèle à son vice, à sa Sheba, à notre bonne vieille capitale du stupre -traquant au passage un ou deux collabos rescapés des purges de la Deuxième Guerre mondiale. David McKinnon s’est fait plaisir, peut-être, mais c’est loin d’être réciproque.