Quand David Grann se rend en 2009 à Corsicana, Texas, pour le New Yorker, cela fait cinq ans que Cameron Todd Willingham est mort par injection. Son procès, et notamment les expertises scientifiques qui ont mené à sa condamnation, ont fait école. En 2005, pour la première fois, le Texas avait été sur le point de reconnaître qu’il avait exécuté une personne innocente. Malheureusement, quelques jours avant de remettre leur rapport, trois membres de la commission chargée du cas Willingham, furent démis de leur fonction par le gouverneur du Texas. Condamné pour triple infanticide par incendie à l’âge de 23 ans, ce père de famille n’a jamais cessé de clamer son innocence pendant les douze ans passés à patienter dans le couloir de la mort. Pourtant, pour la police comme pour la justice de l’époque, Willingham a toujours été le coupable idéal.
Passionné par les faits divers atypiques et polémiques, David Grann a ressorti les dossiers, retrouvé les témoins, experts et avocats de l’époque pour démonter les conclusions du procès Willingham, à commencer par l’enquête bâclée menée le matin du 23 décembre 1991 par Manuel Vasquez et Douglas Fogg, respectivement commissaire des incendies et chef adjoint des pompiers. Des « interprètes » autoproclamés du feu, sortes de Sherlock Holmes texans, coutumiers d’expression comme « le feu ne ment pas ». Dépêchés sur les lieux, ils observent les traces des flammes au sol et concluent aussitôt à un acte criminel : Cameron Todd Willimgham a mis le feu dans les chambres de ses trois enfants avant de sortir sur la pelouse pour attendre les secours. Il n’en faudra pas plus pour que le jeune homme soit condamné à la peine capitale.
Convaincu que la mort de Willingham est une erreur judiciaire, David Grann dénoue une à une les ficelles du procès. Comment un expert psychiatrique a conclu que l’accusé était un « sociopathe extrêmement dangereux » parce qu’il avait un tatouage en forme de crâne et une affiche d’Iron Maiden dans sa chambre. Comment la mémoire des témoins s’adapte aux éléments nouveaux de l’enquête. Comment, parce que Willingham a été abandonné bébé et sniffait de la colle adolescent, il a été jugé capable, et donc coupable, d’infanticide. Et ce, même en l’absence de mobile.
Après sa condamnation, Elizabeth Gilbert, une bénévole qui lui rendait régulièrement visite en prison, a tout fait pour le sauver. Mais ni la rétraction de Webb, ni la nouvelle expertise de 2003 qui conteste la méthode folklorique de Vasquez et conclut à un accident, n’ont suffi à empêcher l’injection létale. Cette machine judiciaire et politique aveugle est mise en scène par Grann avec dans ses failles les plus révoltantes. Son Trial by fire est sans doute ce qu’il pouvait signer de plus efficace contre la peine de mort : mieux qu’un pamphlet, une contre-enquête érudite, écrite comme les meilleurs polars.