Quand Foenkinos, auteur malin, tantôt plaisant, tantôt tête à claques, la joue retour plaintif sur son propre parcours, on craint le pire. D’autant qu’avec quatre livres parus chez Gallimard, pleurnicher sur son sort frôle l’indécence. Mais on apprend dès le début que ventes et prix n’ont pas suivi : la posture sera donc bien celle de l’homme terrassé par sa muse évanouie et snobé par les fans de son précédent roman, Le Potentiel érotique de ma femme. De la dite femme, la première à ne plus croire en lui, il est à nouveau question, même si potentiel et érotisme se sont dissipés et que l’auteur découche et peine à retrouver l’inspiration qui lui est venue en croisant une femme dans un train.
En quête de cette idée perdue, il s’étale sur sa régression au rang de prof de guitare et trouve, comme il savait le faire dans ses précédents livres, la note loufoque qui fait sourire : « Benoît sortit sa guitare de l’étui. On eut dit qu’il déshabillait une femme ». Ce Benoît post-pubère déshabillera plus tard la propre fille de l’écrivain, laquelle l’éclipse dans sa soif de notoriété en accédant au sommet du tennis mondial. Palpitant, direz-vous. L’exercice de work in progress (le livre s’écrit sous nos yeux) n’est pas trop mal rendu, mais l’autocritique de Foenkinos est servie sans classe et se résume à une suite de facéties qui dévalorise ce que le procédé de mise en abyme peut produire de plus beau dans un texte : des soubassements, des tourbillons de vie, complètement absents de ce récit de surface.
N’est pas Bove ou Calet qui veut : l’ensemble tient plutôt du niveau d’un blog, à l’image de celui que Foenkinos a fougueusement tenu pour le site web de Livres hebdo. De l’inventivité foutraque et fantasque de ses débuts, Foenkinos passe donc à un registre plus posé et, avec une conscience aiguë de son propre statut, bavarde sur son cas au lieu de faire table rase et d’élever la fiction à un rang digne de ce nom, sans effets de miroir ou d’épate.