Dans la série « les bons pavés de l’été », voici l’arme absolue pour transcender vos après-midi de plage. Après le fameux Ghost Writer transformé en film à succès par Polanski, Robert Harris s’offre un retour sur l’histoire, avec un grand H, d’où un titre avec un grand D : l’affaire Dreyfus, que chacun connaît, mille fois racontée, mille fois commentée. Mais la connaît-on si bien que ça ? Quel rôle y a joué le colonel Sandherr, déjà ? Quel était le pedigree du ministre de la guerre de l’époque ? Et qu’y avait-il d’écrit sur le fameux bordereau ? Derrière les conséquences sociales et politiques du scandale, il y a d’abord une petite affaire d’espionnage pleine de détails passionnants, de révélations, de contre-enquêtes, d’anti-héros et de héros. C’est par ce bout-là qu’Harris attaque le dossier, en se mettant dans la peau du lieutenant-colonel Georges Picquart, jeune officier qui, juste après la dégradation de Dreyfus, prend la tête du service de renseignement de l’armée. Le traître vient d’être envoyé à l’île du Diable, on croirait que l’Affaire est finie. Mais pour Picquart, qui connaît vaguement l’individu et pense comme tout le monde qu’il est coupable, elle ne fait que commencer.
Il découvre en effet qu’un autre traître se cache dans les rangs de l’armée. Puis comprend que les deux traîtres n’en font qu’un, et que Dreyfus n’est pas le bon… La première partie, sur le mode de l’enquête pure, est captivante ; la deuxième, avec les procès successifs et la vérité qui s’impose, permet au romancier de peindre l’incroyable retentissement que le scandale aura sur cette France de la fin des années 1890. Au passage, il livre quelques réflexions bien senties sur les mécanismes des emballements médiatiques et sur l’impossibilité du mensonge à l’ère de la presse et de la transparence, réflexions qui, à 120 ans d’écart, paraissent évidemment plus actuelles que jamais. De la belle ouvrage, en somme, hyper-efficace et parfaitement documentée, qui réussit à faire revivre comme si on ne les connaissait pas des faits qu’on croit connaître depuis longtemps. Quant à Polanski, évidemment, il est à nouveau sur le coup.
« D. » de Robert Harris (Plon)