Lorsqu’on évoque le nom de Christian Millau, on pense au critique gastronomique. Mais ce que l’on sait moins c’est que, jeune journaliste de 20 ans, il fit ses premières armes dans la presse littéraire. Au galop des Hussards raconte les années bouillonnantes pendant lesquelles Christian Millau s’est retrouvé, par un concours de circonstances, engagé par Roger Nimier dans la revue Opéra. L’année 1951 marque en effet un tournant dans sa vie de jeune chroniqueur. Il se retrouve alors au cœur d’un des mouvements littéraires fondamentaux des années 50, qu’on appelle depuis lors celui des Hussards.
Plus de quarante ans sont passés et Christian Millau se rappelle… Les souvenirs se bousculent, ses rencontres inoubliables avec les « ancêtres » : Léautaud, Céline, Cendrars, Jouhandeau, puis avec ceux de sa génération, Laurent, Blondin, Marceau, ses escales à Hong-Kong où il fait la connaissance de Bodard et d’Orson Wells. La galerie de portraits ne manque pas de saveur, surtout parce qu’elle est jalonnée d’anecdotes assez amusantes, comme celle des bananes tièdes que Millau était chargé de livrer à Léautaud pour sa guenon, ou encore l’astuce de Nimier pour présenter ses amis au Docteur Céline, résolument misanthrope, en les faisant passer pour des malades atteints de priapisme et autre maladies peu courantes…
Le plus intéressant est sans doute le portrait qui se dégage de l’auteur lui-même, s’effaçant délibérément pour exécuter une fresque dont les figures ne sont autres que celles d’hommes qu’il a profondément admirés et avec lesquels il a lié des amitiés sans failles. La grande humilité de l’auteur, son écriture agréable et ses formules parfois cinglantes, parfois nostalgiques, donnent l’impression de rentrer soudainement dans l’intimité de ces fameux Hussards, à la fois passionnés et profondément désenchantés.