Cannes, début des années 1940. Natalie Marguerite Pauline Charrette de Lusignan, épouse Saule de Sorrente, s’est réfugiée sur la Côte-d’Azur avec son mari, le Duc de Sorrente. Toute une partie du gratin a fait comme eux ; ces gens fortunés et rieurs tentent comme ils peuvent de reconstituer là-bas leur univers pour oublier la guerre : on dîne, on cause, on s’habille, on achète des Bugatti. Mais voilà : un jour, la Duchesse apprend qu’elle n’est pas une Lusignan pur sucre. Elle serait le fruit d’une passade de sa mère avec un certain Wahl. Juif. Patatras ! La voilà forcée tout à coup, puisqu’elle fait à présent partie des leurs, de s’intéresser au sort de ces gens qu’elle connaît mal. « Depuis qu’elle est sa fille, qu’elle est à moitié juive, cette guerre est aussi la sienne, ce monde la concerne ». Elle qui longtemps n’a lu dans Le Figaro que la chronique mondaine, « pour vérifier quel effet avait produit sa tenue lors du bal de l’avant-veille », se sent désormais sur le fil, en danger malgré son nom décoratif et son carnet d’adresses en or…
Après Immortel, enfin, beau premier roman inspiré par les démêlés de Paul Morand avec l’Académie française, qui n’a longtemps pas voulu de lui, Pauline Dreyfus signe un petit roman sage et compassé, à l’ancienne, garni de jolis mots d’auteur (« C’est au choix de ses fournisseurs qu’on juge une famille »), un tableau sans grand relief de la France occupée et un autre, agaçant à cause de son ironie mélangée de fascination, des mœurs des gens à particules. Les quelques noms célèbres qu’on croise (Morand, justement, Cocteau, etc.) ne suffisent pas à donner à ce téléfilm en costume la fantaisie ou le souffle qui lui manquent, ni à lui ôter ce côté bien élevé qui le rend terne. Les jurés Goncourt, notez, ne sont pas de cet avis, qui l’ont inclus dans leur première sélection. Bof.