Au commencement était le Verbe. Très vite, Bossuet se l’appropria. Ce panégyrique de saint Bernard le prouve assez bien. Celui qui était en cette année 1653 archidiacre de Sarrebourg célébra la mémoire du pieux Bernard de Clairvaux, intervenu dans la délivrance de la ville de Metz. Cette œuvre oratoire brille de mille feux auxquels on se brûle. Ceux de la délicatesse d’une langue que nous ne pratiquons plus, ceux d’une pensée trouvant par son bras armé, l’écriture, la vivacité et l’immédiateté lui permettant de résister à l’épreuve du temps. Car la forme, à ce point de perfection, implique un fond d’une belle solidité. En moraliste du Grand Siècle, Bossuet ignore les modes, les louanges, et incrimine ceux qui s’y arrêtent. Il est, en ce sens, notre contraire absolu.
Homme d’Eglise, toujours prompt à livrer un sermon batailleur, il déroute autant qu’il pousse l’auditeur dans ses ultimes retranchements (vertu du questionnement). En toute simplicité. Quant au lecteur de ce siècle finissant, qu’entend-il ? Lutter, seul, contre tous, et avant tout contre soi-même, contre les tentations (biens matériels, infidélité, corruption, vanité, puissance, ambition… soit tout ce dont se glorifie l’homme, et l’Eglise, suivant les saisons). De ce rejet naîtra l’amour du Christ, qui demeure le centre de toutes choses. S’en remettre à lui seul (ici, la Grâce a un rôle à jouer). Pari insensé, perdu d’avance. D’où l’affection ressentie, comme pour tant d’autres, à l’égard de ces perdants magnifiques au verbe fort et pacificateur. On comprend mieux la désaffection actuelle à l’égard de l’œuvre de cet homme. Ces exercices de lucidité ne sont pas bons à entendre. A cela, Bossuet ajoute une injonction : celle de passer aux actes. Nous ne sommes plus habitués à voir se soulever, là, sous nos yeux, une conscience aussi aiguë de notre propre néant. Venez à Bossuet et lisez-le. Amen.