Strasbourg, 1970, au TNS : alors que ses camarades du théâtre « rejettent toute contrainte d’apprentissage et de discipline » -Mai 68 avait commencé ses ravages-, ce jeune homme épuise ses jours et ses nuits dans l’écriture. Nous sommes aux prémices de la création. Plus tard, il donnera des classiques à un théâtre français moribond : Dans la solitude des champs de coton, Quai ouest et Roberto Zucco. Avec Les Amertumes, premier essai théâtral inspiré de Enfance de Gorki, et L’Héritage, donné deux ans après, première pièce entièrement originale, Bernard-Marie Koltès signe son entrée dans le monde sinistré des auteurs de théâtre. Prenons L’Héritage. La trame est simple : Un huis clos. Dans un lieu abstrait se nouent d’étranges rapports (et déjà la violence est au centre de ses écrits) entre plusieurs personnages : Pahiquial, qui ne rêve que « d’ailleurs », reçoit, à la mort de son père, un héritage dont il n’a que faire. Dans cette maison : un ami, sa mère, une jeune femme, Thérèse, et une valse de domestiques. Pièce assez informelle et élémentaire. Qu’importe que la forme soit imprécise ; le désir, les bruits, la lumière sont là. Ils sont soutenus par une écriture tendue, limpide, et qui raconte déjà « n’importe quoi qui soit un bout de notre monde et qui appartienne à tous ».
Bernard Marie Koltes – Les Amertumes et L’Héritage
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