« Chercheur d’or, j’offre l’essentiel d’Edern, à jeter à la figure des incapables, des sceptiques, des amoureux branlochards d’Arte et de Canal + : le texte, l’œuvre magistrale de Jean-Edern Hallier. « Oeuvre magistrale, oeuvre magistrale… ». Facile à dire ! me hurlerez-vous. Des preuves ! Explique, raconte, décris, décrypte ! Hallier a raison parce que je l’aime, ce n’est pas une réponse ! ». Cette présentation de Le Guern, anticipant la supposée objection du lecteur, fournit d’entrée une indication sur l’esprit qui préside au livre. Ce dernier se voudrait en effet l’exacte réplique d’une dialectique un temps fameuse : celle même que son sujet pratiquait avec un art consommé de la provocation à l’emporte pièce, laquelle consistait à s’agiter dans le désert où il croyait avoir entendu le verdict d’accusation d’un procès dont il ne s’estimait cependant rien moins qu’indigne. Au point que, le lisant, voilà qu’on a l’impression de lire Hallier lui-même. A se demander s’il était bien mort, si sa disparition, le 12 janvier 1997, n’était pas une arlequinade de plus, la plus macabre de toutes ses mystifications qui avaient fini à la longue par navrer les plus indulgents. Car, enfin, si on est volontiers disposé à admettre qu’il y avait une fois brillé, on doit pour le moins à la vérité d’ajouter qu’elles avaient fini, sur le tard, par donner dans l’insistance un rien tonitruante et que si celle-ci était devenue pathétique, elle l’était à force de dénoncer le désespoir d’un homme qui ne sait que trop bien que ni l’apologie répétée de Narcisse ni quelques brûlots opportunistes ne suffisent à faire une oeuvre. Eh non ! Hallier n’avait trompé personne, cet hiver-là. Son ultime enlèvement, pour fleurer sa répétition, n’en était pas moins définitif. Ce livre est bien d’Arnaud Le Guern : nul doute qu’écrit par Hallier il aurait compté plus de 142 pages.
On attendait donc qu’il fournisse quelques raisons de tenir son oeuvre pour magistrale : qui parmi nous n’aurait consenti à l’idée d’avoir été victime d’un malentendu ? On aurait aimé y découvrir que derrière cette gloriole de batteleur lancé sur tous les fronts médiatiques se cacha le Chateaubriant que le défunt avait rêvé d’être, que derrière l’emphase de pamphlets comme Lettre ouverte au colin froid ou celle de professions de foi comme Chagrin d’amour, palpita l’encre d’un Bloy ou d’un Céline (toutes références ici offertes). Et puis, on aurait aimé qu’on nous parlât un peu des romans, aussi : tel Le Grand Ecrivain. Mais pensez-vous ? Rien tant que tout ceci n’était éloigné du projet de Le Guern. Battant le rappel des bonnes vielles fripouilles de naguère (la Gauche et son train d’émissaires), il n’entend jamais faire plus que surenchérir sur une enchère qui sentait déjà son stuc à l’époque de l’Idiot international en parachevant la statue d’un saint martyr sur le socle d’un monde décidément ingrat : Ô horreur d’un homme qui se bat pour la beauté, pour l’étreinte mortelle de la splendeur recueillie et du temps perdu !