La critique, cette corporation généralement satisfaite après dix-huit heures, a prétendu que Pereira prétend est le meilleur, le plus inattendu, le plus réaliste (j’en passe) roman d’Antonio Tabucchi. Ce goût du superlatif nous semble peu propice à aider une œuvre. Toujours est-il que ce récit, sans posséder tous les attributs mentionnés ci-dessus, présente des qualités non négligeables. Voici lesquelles : Une construction savamment élaborée, un style sans artifice, une gravité menée avec une certaine gaieté insouciante, plusieurs recettes sur l’art de vivre (au Portugal), et surtout un meurtre.
Sur fond de salazarisme, de fascisme italien et de guerre civile espagnole – l’histoire se déroule en 1938 ; nous sommes au bord du désastre -, le docteur Pereira voit vaciller ses certitudes, avant de regagner, en silence, d’autres contrées. Entre-temps, ce gentilhomme sans grand relief, responsable de la page culturelle du quotidien Lisboa, fait la connaissance du jeune Monteiro Rossi, à qui il confie la page « nécrologies anticipées ». De cette rencontre naît une relation où la séduction prend une large part. Suite à cela, Pereira appréhendra la vie d’une toute autre manière, c’est-à-dire sans lâcheté excessive.
A la fois hommage rendu aux perdants de l’Histoire (anarchistes espagnols, etc.) et reflexion sur l’identité, Pereira prétend recompose la mémoire d’un homme qui, l’espace d’un mois, aura vu son destin basculé. Et si, comme le remarque son auteur, « la littérature n’est peut-être pas la chose la plus importante », elle conserve le privilège de nourrir notre imginaire. Comme quoi, dans certaines circonstances, l’emploi du superlatif peut être justifié.