« Il y a un mois, je ne me suis pas senti très bien en me réveillant, et depuis j’essaie de comprendre ce qui s’est passé ». Riche trader doté d’un flair surnaturel pour les placements, Richard travaille chez lui, à Los Angeles, en jetant occasionnellement un œil sur l’écran de ses ordinateurs pour vérifier le niveau de ses comptes, toujours correct. C’est un quinquagénaire cocooner parfait : maison avec vue sur la mer décorée par une star, nutritionniste personnelle, hygiène soignée tirant vers le new age, femme de ménage-nounou, train de vie démesuré, routine confortable et aseptisée de célibataire fortuné (son ex-femme vit à New York, et il voit peu son ado de fils). Un jour, pourtant, il est terrassé par un malaise. Il s’en sort, mais commence à voir les choses avec une distance inédite. Son monde devient bizarre : il fait ami-ami avec un vendeur de doughnuts indien, se lie platoniquement avec une mère de famille au bout du rouleau, découvre un trou inquiétant dans son jardin, sauve un cheval (!) et, in fine, entreprend de renouer avec son fiston.
C’est ce qu’on appelle une crise : le monde cool et propret de Richard s’écroule, à l’image de son terrain ; toute sa vie se décale, prenant un tour absurde qui donne lieu à des scènes saugrenues. Première traduction de A.M. (pour Amy M.) Homes, née en 1961 et auteur de cinq romans, Ce livre va vous sauver la vie est une réussite totale : l’aventure de Richard s’apparente à une sorte d’odyssée surréaliste dans la capitale de l’entertainment, une succession de rencontres farfelues et d’événements absurdes qui, au final, forment une manière de quête existentielle improbable. Le flegme avec lequel la romancière raconte ces semaines troubles de mise en question personnelle est irrésistible, et s’incarne à son meilleur dans les innombrables dialogues qui forment une bonne partie du livre. Résultat : l’une des découvertes étrangères de cette rentrée, et peut-être l’un des meilleurs romans de la saison.