Après un troisième épisode sacrifié sur l’autel du consensus puis rattrapé in extremis dans une réédition enfin jouable, Ninja Gaiden revient. Avec l’ambition de faire peau neuve, changer de nom, ou presque, et surtout redonner du poil de la bête à une série qui décapitée de son maître d’œuvre -l’exubérant Tomonobu Itagaki-, ne sait plus où donner de la tête. Epaulé, cette fois, par l’emblématique et exilé de Capcom Kenji Inafune, le jeu prend le pari de pousser à son paroxysme son ADN nippo-américaine (le ninja, figure symptomatique des années Reagan a connu ses premières heures de gloire vidéo ludique sur ce terreau). Exit donc le full made in Japan de la Team Ninja, le développement est en partie confié aux américains de Spark (déjà auteur d’un Lost Planet 3 pas si nul que ça), et se drape d’une esthétique de comics flashy à rendre épileptique un bonze tibétain. Sur le principe pourquoi pas, amener la cohérence stylistique du genre sur cette voie avait même un certain potentiel, si les zombies ne s’étaient pas invités à la fête. Enfin, le problème n’est pas tant leur présence, chair à canon joyeusement envoyée sous les armes blanche de Yaiba, nouveau personnage supposé justifier le reboot (pas de panique le mythique Ryu Hasabusa est dans les parages), que le manque d’inspiration qu’ils sous-entendent absolument partout.
Après quelques heures, sinon minutes, de jeu, le constat tombe comme le sabre aiguisé du bourreau : Yaiba fait de la peine. Approximatif en tout, encombré d’un gameplay sans subtilités, et d’un level design inepte (couloirs exigus aux caméras mal orientées, arènes basiques), le jeu est généralement brouillon, bordélique, confondant l’hystérie visuelle avec la célérité folle mais minutieuse et incarnée des jeux d’Itagaki. Le parcours devient vite ainsi celui du combattant laborieux, obligé de lutter contre les aberrations techniques, le manque de finition des combats, les idées débiles (une jauge de furie aussi inutile et rapide à vider que longue à remplir), quand ce n’est pas la laideur agressive de l’ensemble ; l’esprit comics est peut-être respecté, il n’en reste pas moins une interprétation vulgaire et poussive, une vague tentative, un peu pitoyable, de marcher sur les pas de Suda 51 – qui lui même a compris depuis peu qu’il faut tourner la page. A l’extrême limite de la complaisance, on pourrait bien trouver dans son geste quelque chose de punk, une certaine énergie ne s’embarrassant justement plus d’aucune finesse, un jeu bourrin, plutôt fier de l’être, et où règne une excentricité demeurée, bien décidée à changer le cap de Ninja Gaiden par là où il est né aussi. Mais c’est au-dessus de nos forces, et ce Yaiba rejoint plutôt tranquillou la cohorte de Direct to video dont il s’inspire et qui font ricaner les amateurs de nanar. Sauf que là, personne ne risque de se marrer.